EN 2016, 34 % DES POSTES DE DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ÉTAIENT OCCUPéS PAR DES FEMMES ET LA PROPORTION MONTE A 40 % DANS LA BRANCHE FAMILLE. SI LES PLUS GROS ORGANISMES RESTENT AUX MAINS DES HOMMES, LA CNAF AFFICHE UN SIGNE D’ÉVOLUTION IMPORTANT EN NOMMANT ISABELLE SANCERNI A LA PRÉSIDENCE DU CA.
Isabelle Sancerni,
présidente du CA de la Cnaf
« La CFTC intègre des femmes dans ses délégations, ce qui m’a permis de devenir administratrice suppléante à la CAF de Paris avant mes 30 ans. Par ailleurs, j’ai bénéficié de l’écoute attentive de Nicole Prud’homme, première femme présidente de la Cnaf. En 1997, j’ai participé à la première réunion de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur “la promotion des femmes aux postes de direction” pour combattre le phénomène du plafond de verre. Malheureusement, les inégalités salariales restent une réalité. Il est essentiel de favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle par des solutions d’accueil du jeune enfant, mais aussi par l’aménagement du temps de travail. Car, outre les enfants et les adolescents, les femmes ont souvent à prendre en charge leurs parents dépendants. »
Marie-Anne Montchamp,
présidente du conseil de la CNSA
« Il est clair que l’arrivée de nos enfants a fortement contribué à façonner les évolutions de mon parcours… J’ai choisi de renoncer à une activité salariée après la naissance de notre troisième fils. Je pensais qu’une activité libérale me conduirait à choisir mon rythme de vie professionnelle et éviterait cette absence journalière que je vivais si mal…
Les débuts se sont révélés calamiteux : travailler tard dans la nuit et consacrer à ma famille la journée, entre-coupée des coups de fil dans des lieux aussi peu adaptés qu’une cour d’école ou la salle d’attente du pédiatre…
J’ai mesuré la situation des nombreuses mères de famille : celles qui, à bout de souffle, se précipitent pour rallier leur lieu de travail et celles qui désespèrent de ne reprendre jamais une activité professionnelle après une longue interruption. C’est pour cette raison que j’ai associé plusieurs femmes au projet d’entreprise né de mon idée initiale. Notre TPE ne comptait que des femmes qui avaient interrompu leur vie salariée et qui ont trouvé dans cet environnement en parité le moyen de retravailler, enfin. Ma vie politique a été tout autre… Lors de l’élection législative de 2002, j’ai bénéficié d’une investiture de mon parti et j’ai été élue députée au nom d’un effort de parité. La commission des Finances que j’ai intégrée comptait quatre femmes. Comme elles, je goûtais difficilement, à 2 heures du matin, le long exposé des motifs des amendements produits par les plus capés d’entre nous.
Améliorer la situation des femmes est possible à trois conditions : ne jamais sous-estimer la charge mentale des femmes qui pèse lourd sur leurs choix ; atteindre l’égalité salariale qui doit se traduire par une égale protection sociale ; soutenir l’ambition des filles par l’éducation, la citoyenneté et l’engagement. »
Elisabeth Malis,
présidente de l’AdirCaf
Il y a plus de dix ans lorsque j’ai voulu me présenter à un premier poste de directrice, je me suis entendu répondre par un agent de direction d’une caisse nationale : “L’équipe de direction de l’organisme qui vous intéresse est composée uniquement d’hommes. On ne peut quand même pas leur faire ça !” Heureusement, les femmes sont de plus en plus nombreuses à accéder aux postes de directrice, même si nous n’atteignons pas encore la parité. Je constate cependant que les femmes se mettent souvent moins en avant, prennent moins la parole en réunion par rapport à leurs collègues masculins.
Il est essentiel que l’on continue de leur donner l’envie d’accéder à des fonctions de plein exercice. Nous nous posons nous-mêmes souvent ces limites. Il faut oser !
Gaëlle Gautronneau,
directrice de la CAF de Tours (Indre-et-Loire)
« Après Science Po et l’EN3S, je suis entrée dans le réseau avec un poste de responsable Prestations à la CAF de Roubaix. Quelques mois après mon arrivée à la direction de la CAF de Tours, nous étions à parité dans la région Centre-Val de Loire. Mais la culture de la parité est moins développée dans certains services comme l’informatique. Lorsque j’étais sous-directrice du SI de l’action sociale à la Cnaf, j’ai eu parfois l’impression d’être traitée en tant que femme et pas en tant que professionnelle par des dirigeants de la DSI.
J’ai été l’une des première directrices enceintes dans les réunions de direction de la branche, ce qui était plutôt sympathique au regard de nos activités. Mais j’ai dû aussi me manifester pour bénéficier des dispositifs conventionnels, car les textes prévoyant le cas de la maternité dans les fonctions de direction n’avaient pas encore été appliqués. »
Claire Hédon,
présidente d’ATD Quart Monde
Pendant longtemps je ne me suis guère posé la question de la parité à titre personnel. En tant que journaliste à RFI, j’avais l’impression d’être dans un univers où les femmes atteignaient les postes à responsabilité et, dans le mouvement ATD Quart Monde, la présidence a été occupée par Geneviève de Gaulle-Anthonioz pendant trente ans. Mais la découverte d’un important écart de salaire avec des hommes qui assuraient une émission quotidienne à RFI, comme moi, m’a ouvert les yeux. J’ai été obligée de reconnaître que je ne savais peut-être pas me défendre. En arrivant à la présidence d’ATD Quart Monde, j’ai aussi constaté que, dans le monde associatif, les présidents sont quasiment tous des hommes. Pour améliorer la situation, il faut reconnaître cette réalité et s’appuyer sur les personnes solidaires de cette cause. On donne peu la parole aux femmes en situation de précarité, c’est pourtant à partir d’elles que l’on pourra mettre en place des politiques efficaces de lutte contre la pauvreté. »
Martine Vignau,
secrétaire nationale de l’Unsa
Historiquement, le syndicalisme s’est construit sur un modèle de salariat masculin et l’émancipation des femmes s’est clairement posée dans les années 1970, entraînant l’ouverture tardive de la fonction syndicale aux femmes. En tant que femme et en tant que mère, il est pour moi primordial aujourd’hui de défendre l’intérêt général, d’agir pour les plus vulnérables et d’avoir cette réelle volonté de participer à un projet de société. Affirmant son identité, la femme syndicaliste doit croire et mettre en œuvre les négociations à tous les niveaux en osant investir la sphère publique.
Ce milieu, encore fortement masculin, impose à la femme de ne pas se laisser impressionner – tout en restant dans des postures empathiques – et d’avancer grâce à une capacité de travail importante, la période de probation étant plus longue que pour un homme.
Cet équilibre syndical hommes-femmes en devenir ne peut être dissocié de la sphère domestique pour laquelle sont nécessaires une anticipation quotidienne, une organisation millimétrée et des moyens et ce, pour le bien-être de toute la famille. Une femme ne devrait pas avoir à faire le choix entre sa vie syndicale et sa vie familiale. Pourtant, cette constance qui voudrait que l’on tienne autant compte du quotidien des femmes que de l’engagement syndical reste difficile à tenir.
Florence Arnaiz-Maumé,
déléguée générale du Synerpa
« J’ai fait mes classes dans un bureau d’avocats dans lequel les six associés étaient des hommes, à peu près sans foi ni loi. Face aux petits noms et comportements sexistes, j’ai vite compris qu’il fallait que je réagisse avec humour ou sans, mais toujours avec fermeté pour obtenir le respect. Quand j’ai intégré le conseil d’administration du Synerpa, un administrateur m’a tendu un tablier de cuisine et m’a lancé : “Alors qu’est-ce qu’on mange ?” J’ai déroulé mon plan de restructuration et, en 20 slides, obtenu un vote favorable puis l’ai mis en place en moins de cent jours ! C’est cela qu’ils ont mangé.
Il faut accompagner du mieux possible la “double peine” que constitue la journée de travail d’une mère de famille. Etre une professionnelle chevronnée et une mère attentionnée relève d’un exploit physique et psychique qu’on ne mesure pas. »