dans LIBRES PROPOS & ÉDITOS

Jordan Bardella, président par intérim du Rassemblement national (RN) l’a confirmé dimanche soir. Marine Le Pen, élue présidente de la République le 24 avril prochain, initiera immédiatement un référendum sur la nature et l’identité de la nation.

Pour ce faire, les juristes du RN invoquent le recours à l’article 11 de la Constitution permettant au chef de l’Etat une initiative personnelle directe.
L’objet de l’affaire est grave. Ses conséquences irréversibles.
Il s’agit d’introduire dans la Constitution un droit pour les pouvoirs publics de différencier les situations juridiques et sociales entre les habitants, qu’ils soient Français ou ne disposent pas de la nationalité française.
Pour ce faire, «il faut» donc modifier la Constitution. Apparaît immédiatement, du moins les constitutionnalistes l’ont perçu, un problème considérable.
L’article 11 de la Constitution ne vise pas une procédure de révision. Il concerne l’organisation des pouvoirs publics (le général de Gaulle l’usa en 1969 pour tenter de supprimer le Sénat), la politique économique, sociale et environnementale, les services publics et l’adoption d’un traité international ayant des impacts sur les institutions.

Pour réviser la Constitution dans ses principes, il faut recourir à son article 89. Lequel prévoit obligatoirement un débat au Parlement sanctionné par un vote.

Là, deux cas de figure sont possibles :

  • Un vote parlementaire dans les mêmes conditions de libellé, adopté à la majorité simple. Lequel est alors suivi d’un référendum populaire.
  • Un vote parlementaire toujours avec le même libellé, mais adopté aux 3/5. Là, point besoin de recourir au référendum.

Le projet Le Pen

Deux aspects majeurs nourrissent le projet de Marine Le Pen. D’une part la remise en cause de la prévalence du droit de l’Union Européenne sur le droit national. Ce point de droit vise les fondamentaux de l’UE. On se remémore le conflit entre la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et les gouvernements hongrois et polonais. En clair, la CJUE réfute aux Etats le droit de remettre en cause les notions d’égalité de traitement entre les justiciables d’un pays et l’indépendance des magistrats, pour ne citer que ces deux situations.

Le second point du projet de la candidate RN vise le droit pour l’Etat français de différencier les aides publiques et sociales (AME, prestations familiales, aides sociales) selon la citoyenneté du bénéficiaire. On est là en plein dans le débat sur la préférence nationale. Certes, un flou existe sur les intentions initiales. Mais le risque est réel.

Des conséquences considérables

Une telle procédure constitutionnelle viole clairement l’esprit et la lettre des articles 11 et 89 de notre texte fondamental. Un coup d’Etat de nature constitutionnelle ? De plus, la France remettrait en cause plusieurs dispositions des traités européens et internationaux (Charte des droits fondamentaux du Conseil de l’Europe, etc).

Outre l’aspect régressif du projet, le pays sera profondément divisé car il induit une rupture majeure de la position de la France eu égard à ses engagements pratiques européens. D’aucuns pensent que cela conduirait à un quasi «Frexit», une sortie du pays de l’Union Européenne. Quant à l’image mondiale du pays des droits de l’homme …

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