Passé plutôt inaperçu, le rapport qu’ESE présente cette quinzaine comme événement sur le projet d’espace numérique santé, fruit d’une réflexion d’experts de l’assurance-maladie et du monde sanitaire, est d’une portée considérable. Avec le recul qui sied à un tel enjeu, on peut parler d’une révolution patient. Car c’est bien le patient qui sera au centre du futur dispositif.
Il s’agit de doter notre pays d’un vrai système unitaire d’information en santé. Ce qui requiert une démarche politique forte et continue. Forte, parce qu’il ne peut en être autrement. Une question d’autorité en premier lieu. Qui d’autre que la puissance publique peut imposer un cadre national unitaire harmonisé et interopérable pour tous les acteurs ? C’est là un premier défi pour l’Etat, souvent peu capacitaire dans ce domaine. Le dossier du DMP est un exemple magistral de ce qui demeure encore un incroyable échec. En contrepoint, la généralisation du dossier patient d’ici à cinq ans porté par la Cnam, le démarrage est prévu le 8 novembre prochain, sera un test majeur de son autorité.
Une exigence de continuité aussi. C’est un projet au long cours. La France sanitaire est en retard sur ses acquis d’information numérique si l’on raisonne pour des populations globales. Le numérique, tout le monde en parle. Beaucoup lancent des projets. Mais il ne suffit pas d’innover pour réussir si l’on est incapable de mettre à la disposition du plus grand nombre les potentiels du progrès technologique et médical. La nature des enjeux oblige la puissance publique à submerger les particularismes, quand bien même ces derniers sont parfois légitimes et pertinents.
Fin mars dernier, nous étions en Estonie. Petite nation entrée dans la démocratie continentale depuis peu de temps. Là-bas, ils ont réussi le pari numérique national en quelques années et à peu de frais. Nous serons en décembre au Danemark pour rencontrer les autorités et les acteurs de terrain afin d’identifier les potentiels formidables de la santé numérique au service des patients atteints de pathologies chroniques. Deux exemples de réussite.
Le projet gouvernemental est bien le seul qui vaille. A condition qu’il ne s’embourbe pas dans des procédures tutélaires sans raison et sans fin. Et qu’il offre des espaces de liberté créatrice aux acteurs. Nous ne quêtons pas un Léviathan numérique français.
Evitons ainsi un nouveau plan Bull des années 1970.
L’échec est tout simplement impossible sur ce sujet.