Par le Dr Elie Arié, cardiologue, ancien enseignant au Cnam.
Agnès Buzyn semble vouloir aller au bout d’une démarche scientifique à propos des médicaments homéopathiques. En février prochain, notre ministre de la Santé devrait, sur la foi d’expertises scientifiques et de l’avis de l’Académie de médecine, prononcer la fin de leur prise en charge par l’assurance-maladie. Science et courage public peuvent enfin se concilier !
« L’Ordre des médecins doit abandonner son étrange classification de “médecins à exercice particulier”… »
Longtemps, le combat contre l’homéopathie s’est limité à celui de la lutte pour le déremboursement de « pseudo-médicaments », en fait bon marché et faiblement remboursés (30 % ). Déremboursement néanmoins indispensable pour mettre fin à un passe-droit que rien ne justifie. Les médicaments remboursés le sont sur la base d’études démontrant leur action supérieure à celle d’un effet placebo, alors que les produits homéopathiques ne le sont qu’en vertu de leur « usage traditionnel » et sur l’extraordinaire double discours des laboratoires Boiron, qui expliquent qu’il s’agit d’une médecine non évaluable car strictement personnalisée, tout en faisant de la publicité en période grippale pour l’Oscillococcinum® pour tout le monde.
Mais la problématique de ce débat récurrent a changé depuis que la France s’est lancée de façon irréversible dans le déremboursement d’un grand nombre de médicaments à effets propres indiscutables (Zirtec®, etc.) et dans le développement croissant de l’automédication, permettant aux patients de décider eux-mêmes de quel médicaments actifs (et donc à risques) ils ont besoin et de les acheter sans ordonnance.
L’automédication n’est pas anodine : la récente histoire d’une jeune fille de Strasbourg mal orientée par le Samu s’est révélée être une intoxication hépatique aiguë mortelle par prise trop prolongée de paracétamol. Mais pour une histoire connue, combien d’histoires identiques ignorées ?
« On ne peut plus accepter de continuer à prendre le risque de la diffusion, par des médecins, des théories relevant de la pensée magique. »
En effet, l’homéopathie ne se limite pas à la mise en vente libre de quelques placebos : il s’agit d’un véritable corpus théorique aussi complet que relevant de la pensée magique, allant à l’encontre de tout ce que les médecins ont appris pendant leurs études – et les homéopathes abusent donc là de leur titre de médecin – et ne pouvant se prétendre scientifique, puisque immuable depuis deux siècles, malgré toutes les connaissances acquises depuis lors en matière de pharmacologie, biologie, physiologie, physique, chimie, etc.
Aussi, à l’heure où la France bascule dans une part croissante d’automédication, qui implique une connaissance aussi rationnelle que possible des Français sur le fonctionnement des médicaments, on ne peut plus accepter de continuer à prendre le risque de la diffusion, par des médecins, des théories relevant de la pensée magique. L’Ordre des médecins doit abandonner son étrange classification de « médecins à exercice particulier », et choisir entre sévir en priorité contre les entorses à la confraternité ou définir ce qu’on doit entendre par « charlatanisme » au xxie siècle. Et le gouvernement ne peut plus continuer à prendre le risque de tolérer éternellement que des médecins se proclament homéopathes, iridopathes, urinopathes, etc., et se parent de leur diplôme pour diffuser des théories farfelues là où il faudrait maintenant une éducation du public au bon usage du médicament et à la réalité de ses mécanismes d’action.
Cette proposition ministérielle doit être jumelée avec le déremboursement des gélules homéopathiques et la séparation physique dans les officines entre ce qui relève des produits allopathiques ayant reçu une AMM sur la base d’études validées et la parapharmacie, où doit être placée l’homéopathie. A noter que les autorités espagnoles demandent à l’UE le retrait de statut de médicament conféré à l’homéopathie.