Le développement de l’économie des plates-formes collaboratives implique une réflexion sur la protection sociale de leurs travailleurs. Après la publication d’une note de synthèse par France Stratégie, retour sur les enjeux, les pistes d’évolution et les initiatives existantes.
A partir du 1er janvier prochain, les plates-formes collaboratives devront respecter le « principe de responsabilité sociale ». Concrètement, elles seront tenues d’assumer une part de la cotisation à une assurance couvrant les accidents du travail, à condition que le chiffre d’affaires du travailleur dépasse 5 100 € par an minimum, un premier pas franchi, mais ce chantier reste vaste.
France Stratégie vient de publier les résultats d’une réflexion participative lancée fin 2016 avec l’Igas et Sharers & Workers (réseau sur les transformations du travail liées au numérique et à l’économie des plates-formes). Plusieurs freins ont été identifiés, notamment la diversité des demandes, liée à la variété de situations : différences de statut (même si les indépendants sont majoritaires), fréquence d’activité (du temps plein à l’exercice ponctuel), etc. Pour les plates-formes, le principal blocage reste la crainte d’être assimilé à un employeur, avec un « risque de requalification » du contrat de prestation en contrat de travail. Plusieurs leviers ont été identifiés, dont la mise en place d’un financement différencié. « Les risques AT-MP peuvent être portés par la plate-forme, les risques non liés à son activité sans doute moins », relève France Stratégie. L’organisme souligne également les aléas liés à une mutualisation basée sur les plates-formes, en raison de « la forte mortalité de ces jeunes entreprises ».
Certaines pistes mériteraient d’être approfondies, notamment l’encouragement à la négociation de contrats de groupes ouverts via des incitations fiscales. La création d’un « chèque santé » pour les travailleurs occasionnels est également avancée, de même pour une labellisation des offres par des organisations de travailleurs. Plus généralement, une possible articulation avec le Compte personnel d’activité est soulignée. Enfin, cette mutation de l’emploi impliquera de se pencher sur le financement de la protection sociale et sur la contribution des acteurs de l’économie collaborative.
Initiatives
Aujourd’hui, certaines plates-formes proposent déjà une couverture en matière de protection sociale complémentaire. La Poste avance ainsi un « modèle socialement responsable innovant » pour la start-up Stuart, dont elle a pris le contrôle en mars dernier. Les livreurs indépendants peuvent souscrire à une assurance santé nommée « Wigenio » et créée spécifiquement par la Mutuelle générale, opérateur historique en santé et prévoyance des personnels du groupe. Cette dernière indiquait récemment aux Echos un prochain élargissement à une offre prévoyance.
De son côté, Axa France s’est imposé comme opérateur de référence auprès de ces nouveaux acteurs. Après la signature d’un partenariat stratégique avec Uber, la mise en place d’une protection sociale en cas d’accident pendant une course a été annoncée fin octobre dernier. Cette couverture vise à répondre « aux besoins spécifiques des chauffeurs indépendants ». Elle est proposée gratuitement et permet la prise en charge d’une partie des frais de santé (100 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale pour les soins de ville et l’hospitalisation, 150 % pour les prothèses dentaires et les produits d’appareillages médicaux). En prévoyance, des indemnités sont versées en cas d’incapacité, d’invalidité ou de décès.
Chez Deliveroo, un système similaire avait été mis en place dès septembre auprès des coursiers à vélo, avec le même assureur. Il propose également un remboursement des frais médicaux (200 % de la base de remboursement de la Sécurité sociale pour les soins de ville et l’hospitalisation) et une couverture prévoyance.
Ce type de démarches devrait encore se développer, d’autant que la complémentaire santé et la prévoyance s’imposent comme des éléments de fidélisation des coursiers, livreurs et autres chauffeurs. Un argument de poids dans un contexte de concurrence grandissante.
À RETENIR
- Environ 200 000 travailleurs collaboratifs en 2016, selon l’Igas.
- A partir du 1er janvier 2018, les plates-formes devront prendre en charge une partie de la cotisation à une assurance accident du travail.
- Certaines plates-formes ont anticipé et proposent déjà une couverture.