dans PRÉVOYANCE

Communiqué officiel de François Braun, ministre de la Santé, le 15 juin dernier : Cnam, Unocam et syndicats dentaires négocient une action de prévention en direction des patients âgés entre 3 et 24 ans. Détails et questions sur une démarche utile, mais confuse.

« C’est une mesure technocratique, court-termiste et purement comptable ; qui n’est pas à la hauteur des enjeux de santé publique », réagit Éric Chenut, président de la Mutualité française. De quoi s’agit-il ? L’annonce par le gouvernement d’insérer dans la négociation conventionnelle entre les syndicats dentaires, l’Assurance Maladie (CNAM-Uncam) et les organismes complémentaires d’Assurance Maladie (Ocam, représenté par l’Unocam), une innovation de prévention. Concrètement, en vue de réduire le recours aux soins prothétiques et implantaires des jeunes générations, les acteurs de la négociation conventionnelle sont priés de boucler d’ici l’été une stratégie de prévention en direction des patients jeunes. La CNAM via son réseau de caisses primaires, soutenues en cela tant par les professionnels que les Ocam, inciteront les familles, les milieux scolaires à adresser la population jeune à fréquenter un chirurgien-dentiste. Une démarche inspirée des pratiques de prévention des systèmes de santé d’Europe du Nord et du programme « M tes dents ».

Genèse

En fait, cette décision ministérielle relève du « raccroché ». L’histoire a commencé en septembre 2022 lors de la présentation du PLFSS 2023 à la presse. La directrice de cabinet de François Braun annonce aux journalistes présents un projet de contribution des Ocam de 150 Ms € en 2023. Sans en préciser les modalités. Quelques semaines plus tard, le chiffre passe à 300 Ms € en année pleine, donc à partir de 2024. Mais, côté ministère de la Santé, aucune précision sur les modalités réglementaires des intentions gouvernementales. Le PLFSS 2023 ignore le projet. Comme il s’agit de droit, l’État doit fixer un cadre juridique précis pour appliquer une telle contribution. Pas plus d’ailleurs que le fameux PLFSS rectificatif porteur de la réforme des retraites… le temps passe. Et, il ne se passe toujours rien. Des rumeurs existent certes. Puis, c’est la série des concertations « bidon », aux dires des acteurs complémentaires, entre le ministère et les fédérations d’Ocam (FNMF, FA et CTIP, Unocam). Le 20 avril pour un bilan sur le 100 % santé, le 16 mai pour une première réunion du Comité de dialogue Etat-Ocam (CDOC) sans informations précises, enfin le 15 juin au final avec l’annonce ministérielle sur le dentaire suite à une convocation des Ocam à la Direction de la Sécurité sociale le même jour.

Décryptage des leviers financiers

Concrètement, deux leviers financiers sont projetés :

  • Une contribution des Ocam liée aux revalorisations potentielles des tarifs de soins conservateurs, voire prothétiques, au vu des résultats de la négociation à venir.
  • Une prise en charge accrue des Ocam sur les soins prothétiques à compter du 1er octobre prochain passant de 30 à 40 %. Le coût transféré est évalué à 125-130 Ms € en 2023 et 500 Ms € en année pleine, un décret est attendu à cette fin d’ici l’automne.

Que comprendre dans tout cela ? Trois choses sont certaines. Sans risque de se tromper, la décision gouvernementale est soudaine et s’avère paradoxale. On demande aux Ocam d’agir davantage sur la prévention, mais on taxe leur chiffre d’affaires par une simple opération sur le ticket modérateur. Sans aucun rapport avec l’objet de la réforme pressentie qui eut pu (dû ?), mobiliser l’ensemble des parties prenantes.

Second constat, rien n’est garanti s’agissant du résultat final de la négociation tripartite (CNAM, Ocam et profession dentaire, même si celle-ci se déclare favorable au projet). Mais le ministère de la Santé a, habilement, anticipé le risque de blocage.

C’est le troisième constat. En cas d’échec des négociations, l’État par voie réglementaire unilatérale se garantira la recette des 500 Ms €.
« Un billard à plusieurs bandes » aux dires des professionnels. Un effort de prévention, des moyens accrus, des payeurs contraints et un état réformateur !


Photo : Freepik
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