L’air du temps est aux annonces sur la fraude sociale. Pas un jour sans une déclaration ministérielle à propos d’un plan de lutte. Une avalanche non dénuée d’arrière-pensées politiques d’ailleurs.
Les plateaux médias sont encombrés de « spécialistes » où pointe surtout l’absence des gestionnaires de la Sécurité sociale, pourtant les mieux placés pour évoquer les réalités forcément plus complexes que les simplismes habituels. Comme quoi le mutisme des uns encourage le fantasme des autres.
Les milliards de fraudes, donc d’économies potentielles, volent en escadrille ! Les chiffres les plus fantasmagoriques circulent. L’extrapolation est la science du moment. On procède d’une réalité chiffrée, puis on la décuple avec un multiple à l’infini. Quitte à pratiquer des biais de raisonnement ou, carrément manipuler les faits et les données. La question de la carte Vitale illustre parfaitement la cacophonie du moment. Faut-il la fusionner avec la carte nationale d’identité ou la transformer en carte biométrique ? Les praticiens de la chose, Assurance Maladie en tête, pestent contre les projets peu lucides. Du type, bombe atomique financière et technique pour écraser une mouche.
La lutte contre la fraude est une nécessité absolue. Mais la nature très « individualiste » des actes et des prestations, la complexité du système social et de santé favorise ce risque. Comme quoi, simplification et rationalisation de l’organisation sont aussi des voies de solution. Au passage, comme par hasard, sont d’abord visés les minima sociaux et les populations immigrées. La boucle est bouclée, un certain systématisme prévaut. Quitte à ignorer encore l’autre versant de la fraude, celui des acteurs de soins par exemple.
Dans ce débat, la bonne nouvelle est que, hormis la question du travail dissimulé, par nature inchiffrable, tout le reste des fraudes et des trop-perçus de prestations sociales est potentiellement identifiable et donc réductible à terme. Les systèmes d’information, la qualité des répertoires de données, le croisement des sources progressent à pas de géant. Chaque année passée voit les caisses nationales afficher des résultats croissants dans leur quête de fraudes et d’indus. Tant mieux. Laissons alors les professionnels agir dans la sérénité.