La version 2026 du rapport Charges et Produits de l’Assurance Maladie a été dévoilée cet après-midi. La CNAM a dévoilé sa nouvelle feuille de route. Au programme, un montant record de 3,9 Mds € d’économies attendues et une accélération massive en matière de virage préventif et de pertinence des soins.
A exercice inédit, présentation inédite. Pour la première fois, Thomas Fatôme et Fabrice Gombert, respectivement DG et président du Conseil de la CNAM, ont présenté ensemble la nouvelle édition du rapport Charges et Produits. Le document faisant office de première étape dans le processus d’élaboration du futur PLFSS pour la branche Maladie. «C’est un rapport particulier, car nous avons la conviction d’être à un tournant. Elle doit trouver les moyens de pérenniser notre système de soins » indique dans ce cadre Thomas Fatôme. «Il est plus que jamais urgent de porter, et ce sans tabou, des solutions innovantes pour trouver les moyens de revenir à l’équilibre», renchérit d’ailleurs le président du Conseil. L’objectif affiché se veut clair : identifier les leviers permettant de garantir sa propre soutenabilité. 60 propositions ainsi que des « options » sur des sujets structurants sont ainsi avancées par la CNAM.
Le rapport est construit autour de 3 grands blocs : la prévention («le défi de la décennie»), les parcours de soins et la qualité de la prise en charge, payer le juste soin au juste prix.
Sur la prévention, des actions sont attendues sur les champs primaire et secondaire. L’Assurance Maladie veut accélérer sur la vaccination, les dépistages et la lutte contre les facteurs de risque (tabac, alcool…) : généralisation du dépistage de l’HTA (notamment en pharmacie), activer la prévention personnalisée dans Mon Espace Santé, redéfinition des contrats responsables proposés par les Ocam avec l’intégration d’une demi-journée de prévention en entreprise, réinvestir le champ de la promotion de la santé en milieu scolaire, interdire les dépassements d’honoraire pour les actes en lien avec les dépistages organisés, élargissement des taxes comportementales… En «option», l’Assurance Maladie propose de rendre la vaccination de la grippe obligatoire en EHPAD et d’abaisser la vaccination HPV à 9 ans en vue d’éradiquer le cancer du col de l’utérus.
En matière de parcours de soins et la qualité de la prise en charge, la CNAM veut porter plusieurs « mesures structurantes » afin de renforcer le suivi des patients et l’amélioration de la prise en charge hospitalière : création d’un observatoire des professionnels de santé, accompagnement de la montée en puissance du métier d’infirmier de coordination, confier la prévention tertiaire des patients chroniques à des structures capables de la faire à grande échelle (GHT, ESS…) pour les patients non stabilisés, faire évoluer les modes de régulation des dépassements honoraires, régulation plus forte l’activité non conventionnée, favoriser la prise en charge au domicile des patients, lancement d’une deuxième vague de chirurgie ambulatoire pour «atteindre le potentiel évalué en France à 80 %» et faire respecter les seuils réglementaires de chirurgie.
Un point spécifique a été fait sur la santé mentale et sur les ALD. Sur le premier point, la CNAM ambitionne d’accompagner la formation d’un million de secouristes en santé mentale et de poursuivre la structure de la filière psychiatrique. Concernant les ALD, outre les efforts «maximum» à réaliser en matière de prévention, la branche Maladie indique vouloir mettre en place une gestion plus «dynamique» des entrées et des sorties du dispositif et revoir la prise en charge à 100 % des prestations/produits de santé dont l’efficacité ne «justifie par de remboursement intégral».
Concernant la problématique des IJ, la CNAM veut créer «une équité des conditions d’ouverture des droits» et rendre la subrogation des arrêts maternité et des arrêts maladie obligatoire pour les employeurs. De même, pour lutter contre l’absentéisme de court terme, les prescriptions devront être davantage encadrées avec l’obligation d’indiquer les motifs d’arrêts et limiter leur durée à 1 mois pour les sorties d’hôpital et 15 jours pour la médecine de ville. Sur ce sujet, d’autres «options» sont portées comme l’instauration d’un système financier bonus/malus pour les entreprises en vue de les inciter à améliorer les conditions de travail ou la mise en place d’un «contrat de prévoyance responsable». Le DG de la CNAM indiquant être «favorable» à ce que le dossier de la prévoyance pour tous soit ouvert dans le cadre d’un ANI avec les partenaires sociaux.
Dernier chantier : l’engagement d’actions fortes pour payer le juste soin au juste prix. Sur ce sujet, la CNAM vise principalement deux secteurs : le médicament et les rentes. Pour le premier, elle entend faire baisser les prix des dispositifs en ASMR IV et V et aligner les prix nets sur les prix faciaux. Elle souhaite également revoir la politique de tarifs «excessifs» des médicaments anticancéreux et appliquer aux médicaments biosimilaires les dispositifs en place pour les génériques. En matière de lutte contre les rentes économiques, l’Assurance Maladie ambitionne de baisser les tarifs des secteurs à très hauts niveaux de rentabilité (radiothérapie, biologie, médecin nucléaire…) et en améliorer les règles de transparence.
En parallèle, un chantier conséquent est annoncé en matière de pertinence des soins. Des mesures vont être portées en ce sens, comme le recours obligatoire au numérique pour les professionnels de santé (Mon Espace Santé, logiciels d’aides à la prescription…), la rationalisation des dépenses de transport, la prévention des actes la redondance des actes paramédicaux, le renforcement du bon usage des produits de santé et le conditionnement du conventionnement à la qualité des pratiques. L’Assurance Maladie se veut également offensive en matière de lutte contre la fraude en revoyant certaines règles de fonctionnement. Ainsi, elle préconise notamment de conditionner le tiers payant à l’utilisation systématique de la Carte Vitale.
Enfin, l’autre grand pan de ce Charges et Produits s’attarde sur la trajectoire financière du système de santé.
En premier lieu, en matière de trajectoire des déficits, plusieurs éléments sont pointés. A commencer, par le dérapage des déficits des établissements publics (3,5 Mds € de déficit pour les hôpitaux publics) et celle des charges financières (513 Ms € en 2024 contre 18 Ms € en 2022). Pis, fort des 16 Mds € de stocks de déficits constatés en 2025 cumulés avec le flux de déficits supplémentaires estimés à 25 Mds € d’ici 2030 (si aucune mesure d’économie n’est mise en place), la CNAM projette un déficit global autour de 41 Mds € en 2030 (sans mesure de corrections). Pour endiguer cette situation, elle estime nécessaire d’appuyer sur 3 principaux leviers :
- La taxation des produits nocifs (2,2 Mds € de recettes d’ici 2030)
- La construction d’un nouveau pacte AMO/AMC autour du partage de la prise en charge de certains soins est ainsi avancée afin de stabiliser la part financée par la solidarité nationale dans la dépense totale de santé à 80 % (3 Mds € attendus)
- Enfin, la bonne mise en place de l’ensemble des mesures présentées ci-dessus qui permettrait de dégager 19,5 Mds €.
Concernant le volet «économies», l’Assurance Maladie repart à l’offensive en affichant un objectif de 3,9 Mds € pour 2026 (contre 1,56 Md € prévus initialement pour 2025). Un montant record et inédit. «Une première étape vers 2030» comme le précise Thomas Fatôme. Plus largement, le DG de la CNAM a appelé à la «responsabilité collective» des professionnels de santé.
Le rapport sera examiné par le Conseil de la CNAM le 3 juillet prochain.
A noter que vous retrouverez un retour plus détaillé sur ce rapport dans le numéro 1282 d’ESE qui paraîtra le 8 juillet prochain.


