La question des retraites est évidemment un enjeu collectif, car elle touche au contrat social. Mais que les organisations syndicales, unanimes dans le rejet de la réforme, les partis politiques d’opposition, ne se trompent pas ! Ils sont, dans le contexte présent, les outils indispensables, d’expression d’une forme d’angoisse de chacun face aux incertitudes des temps à venir.
La retraite est un territoire personnel qui plus est, dans un pays comme le nôtre où l’individualisme prévaut un peu plus chaque jour. Elle exprime un sentiment d’apogée de la vie de travail. Une sorte de libération, voire d’accomplissement, qui doit nous permettre de nous reposer (la fameuse retraite bien méritée), de partager de nouveaux moments avec ses proches, de choisir son rythme de vie. Bref, ouvrir le champ des possibles en passant d’une situation « subie » à une situation « choisie » et ce, quel que soit notre statut social.
Il n’est jamais de bon moment pour réformer en France… et encore moins lorsqu’il s’agit des retraites. Et il n’existe pas de réforme populaire. C’est, peut-être, la question la plus délicate dans un pays tel que le nôtre où l’on cultive volontiers une forme de schizophrénie sociale, voire politique. On se rejoint globalement sur ce que l’on ne veut pas. Moins sur ce que la collectivité peut raisonnablement décider dans la durée. Sauf à encenser des fantasmes.
Toutes les enquêtes d’opinion le montrent. Les Français sont très conscients de la fragilité des choses et ils entendent que demain ne sera pas comme hier. Problème, ou paradoxe so frenchy selon ce que l’on veut y voir, si nos concitoyens rejettent massivement les mesures du projet de loi porté par le gouvernement, ils ne croient guère plus à la crédibilité des solutions de la plupart des oppositions. Alors que faire ?
Les dés sont jetés. Le gouvernement a multiplié les maladresses depuis la première présentation du projet Delevoye, il y a quatre ans de cela. La pédagogie des réalités et des perspectives demeure largement méconnue, comme sur bien d’autres sujets sociétaux. Mais a-t-on vraiment fait l’effort de vouloir expliquer les choses plutôt que les asséner ? Non, ou alors, pas assez.
Le mal est fait. Il y aura peut-être une réforme votée au Parlement fin mars prochain. Il y aura aussi une fracture humaine et sociale dans le pays.
Un gâchis de plus.