dans POLITIQUE DE SANTÉ

Comme chaque année, Octobre rose se décline avec une mobilisation sur la prévention du cancer du sein. Avec un taux de participation des femmes concernées en baisse, 45% environ en 2023 contre plus de 52% en 2021, la France fait figure de mauvais élève en Europe. Ese rencontre le docteur Jean-Philippe Masson, président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) initiateur d’une action pilote en Alsace.

Vous évoquez un plafond de verre dans le dépistage du cancer du sein. Expliquez-vous.

Le taux de participation aux actions de dépistage, qu’elles soient collectives ou individuelles, recule en France. C’est une très mauvaise nouvelle. Déjà, notre pays n’est pas un bon élève en Europe sur le champ de la prévention secondaire, notamment sur le dépistage. Notre enquête « focus-group » sur le terrain montre que les femmes qui s’abstiennent éprouvent surtout une peur à se faire dépister. Nous avons donc un double déficit, quantitatif et qualitatif à traiter.

Pourquoi cette peur ?

Existe un côté anxiogène au dépistage du cancer. Qui tient en partie à la crainte de la douleur liée à la peur du sein écrasé entre autres choses. Surtout, la crainte d’une annonce d’une maladie. Alors que l’écrasante majorité des dépistages sont négatifs et que 99% des cancers se guérissent. Pour réussir la prévention, il faut donc inverser l’information, dédramatiser les choses et positiver le rendez-vous.

Quelle explication donner au retard français dans ce type de prévention ?

Notre pays n’a pas de vraie culture de prévention. On en parle tout le temps, mais on ne sait pas agir. Une prévention efficace requiert de la méthode, du partage des responsabilités, des moyens inscrits dans la durée et donc du temps. Or, ni l’Etat, ni l’assurance maladie ne pratiquent cela sérieusement. La question des cancers est particulièrement illustrative de ce déficit de santé publique. Il faut donc sortir d’une conception centralisée et administrative de la santé, là aussi comme ailleurs…

Vous initiez une action de prévention de terrain avec d’autres partenaires en Alsace. De quoi s’agit-il ?

Le « bus du sein » sillonnera 13 villes en Alsace durant trois semaines. Cette action s’opère en partenariat avec la Ligue contre le cancer, le Centre régional de lutte contre le cancer (CRDLC), la caisse primaire de Strasbourg, la MSA, les industriels de la radiologie et l’ARS. Celle-ci est très motivée par la démarche. Concrètement, ce bus ne pratique pas le dépistage même si un appareil de mammographie non fonctionnel sera présenté.

Sa fonction est une information dédramatisée, une pédagogie de la prévention de terrain avec des échanges sur place entre patients, acteurs associatifs mobilisés et professionnels. Lesquels prendront le relais pour concrétiser le dépistage selon les demandes des patients. Cette action fera l’objet d’une évaluation via un questionnaire de satisfaction.

Evidemment, pour l’avenir, nous escomptons reproduire ce type d’action ailleurs. En s’appuyant sur les enseignements tirés de la démarche partenariale d’Alsace.

Votre fédération est engagée depuis 20 ans, voire plus, dans cette politique de prévention. Des souhaits voire des regrets ?

Près de 3 millions de femmes dépistées chaque année, c’est insuffisant, mais c’est un premier acquis. Il faut aller plus loin, plus fort. C’est possible. Je tiens à saluer l’engagement de mes confrères sur cette priorité de santé. Je le répète : il faut changer la mentalité collective et la façon dont l’Etat, l’Assurance Maladie et les agences de santé conçoivent leur intervention. Un peu moins de centralisation et davantage de confiance au terrain feraient du bien à tous !

Propos recueillis par Pascal Beau


Photo : Philippe Chagnon/ Cocktail Santé
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