On comprend bien pourquoi le gouvernement souhaite en quelque sorte déplacer le terrain du débat sur les difficultés des hôpitaux, en centrant surtout son propos sur la nécessaire transformation globale du système de soins.
Cela lui évite de se laisser enfermer dans un débat piégé sur la seule question des urgences, des moyens et des effectifs. Une posture plutôt habile au demeurant. Même constat à propos du message d’Agnès Buzyn sur l’utilité de remettre en question le paiement à l’acte pour les soins de ville. Et de projeter plutôt une tarification forfaitaire au parcours de soins, amorcée pour les ALD, et de ne réserver notre fameux paiement à l’acte que pour les soins courants, type grippe saisonnière.
Dans les deux cas, le gouvernement reconnaît l’épuisement d’une médecine classique, rigidifiée par ses murs, ses statuts, ses prérogatives. Une inanité dans un monde de bouleversements, humains, scientifiques et technologiques. La question n’est plus sur le constat, mais porte sur l’action publique.
Trois conseils méritent d’être adressés à Agnès Buzyn.
D’abord, soutenir une stratégie de mouvement. Fût-elle davantage le fait des jeunes générations de professionnels de santé, elle incarne le renouveau. L’Etat doit appliquer le principe européen de subsidiarité en matière de décision, a fortiori de gestion du système de soins. On ne le répétera jamais assez, une des explications des blocages en santé tient à la cohabitation funeste entre l’extrême centralisation des règles et des représentations et les corporatismes. Une coalition perverse en quelque sorte, où chacun a besoin de l’autre pour se légitimer.
Second défi à surmonter, corollaire du premier, il faut enfin favoriser le pluralisme des règles, des modes d’exercice, voire des pratiques professionnelles. Vouloir ériger en norme unique absolue le contrat médical individuel suranné comme on le fait depuis 1971, date de la première convention médicale nationale, est un contresens. L’avenir se niche dans une refondation des relations et responsabilités soignants-patients.
Enfin, conséquence de ce qui précède, il convient de réformer les mécanismes actuels de l’Ondam. Amoindrir sur la durée celui des établissements hospitaliers pour leurs missions classiques et étoffer a contrario celui d’une nouvelle médecine de ville. Quitte à intéresser les acteurs hospitaliers à cette dynamique du changement. ■