dans POLITIQUE DE SANTÉ

Une stratégie multi-canal dans l’accès aux services, une sécurité opérationnelle accrue, une implication forte dans les politiques publiques impulsées par l’Etat, des coûts de gestion abaissés, des réseaux réorganisés, des systèmes d’information plus performants, le bouleversement des missions, des métiers et une politique de ressources humaines en cours de rénovation : la sécurité sociale change en profondeur. Faits et explications.

Le sait-on ? La Sécurité sociale française a profondément changé. Et ce n’est pas fini ; de nouveaux bouleversements s’esquissent. Peu d’observateurs, d’experts et d’élus, politiques et sociaux connaissent cette dynamique. Beaucoup se contentent de slogans et clichés, forcément datés. Pour connaître cette mutation fondamentale, il convient de se reporter aux annexes des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), notamment ce qu’on appelle les programmes qualité efficience (PQE), nourris de faits et de données. Une lecture aride certes (près de 1000 pages) mais ô combien instructive. Ainsi, le cru 2017 est étonnant.

La sécu change !

Quelques aspects illustrent les bouleversements en cours. 20 conventions d’objectifs et de gestion (Cog) sont en place pour les régimes de base nationaux. Toutes, sans exception, visent l’optimisation constante de la gestion des organismes. Il s’agit d’une démarche de rationalisation des coûts et des méthodes via le recours aux services dématérialisés et désintermédiés, qu’ils soient professionnels ou usagers (assurés, cotisants, allocataires, bénéficiaires). Les systèmes d’information, cheville ouvrière des mutations en cours depuis 10 ans, font basculer la dynamique des organisations. L’année 2017 sera d’ailleurs un temps charnière, car toutes les Cog des caisses nationales du régime général (Cnamts, Cnaf, Cnav, Acoss) seront à renouveler. Côté Ucanss, on s’attelle déjà à celle de 2017, tout comme à l’EN3S. Celle du RSI est engagée d’ici 2019, et inclue la mutation à venir vers la future structure commune avec les Urssaf, qui prendra la place de l’interlocuteur social unique (Isu) dont les péripéties sont connues. La CCMSA doit « digérer », non sans mal, sa Cog 2016-2020. Quant aux 11 autres régimes, ils seront également contraints de s’adapter dès l’année prochaine. Bref, « le changement, c’est maintenant » !

Stratégies « multi-canal »

Les stratégies visent la mise en place de « parcours usagers » centrés sur les évènements de la vie et les situations particulières des usagers (particuliers et employeurs). L’organisme favorise de manière proactive, par le mode de contact le plus approprié, les échanges avec les usagers au regard de besoins pré-identifiés.

Cette stratégie globale permet des taux élevés de satisfaction des usagers. De l’ordre de 94% pour l’assurance maladie, 90% pour la Cnaf, 84% pour la MSA, presque autant pour la Cnav ainsi que la Camieg, la caisse des Mines, celle des Clers de notaire, la Camivac, l’Enim, etc. Les connexions sur les sites situent la « sécu » en tête de pont des fréquentations : 132 millions pour améli.fr, 350 millions pour caf.fr, 19 millions pour cnav.fr pour n’en citer que quelques uns.

Les espaces personnels se généralisent. 20 millions pour la maladie. L’accueil physique perdure, heureusement. 1 million de visites dans les Urssaf en 2015. L’accueil téléphonique s’est nettement amélioré avec 62 millions d’unités l’année dernière. Et ne parlons pas des centaines de millions de courriels. Le taux de réponse dans un temps court pour les traitements formatés des demandes avoisine les 85%.

Il y a bien des erreurs, des manquements, des délais, des différences de situations d’un organisme à l’autre. Mais « l’arbre ne doit pas masquer la forêt ». La réussite est là. Incontestable.

Les taux de flux électroniques d’échanges d’information externes atteignent des seuils élevés : 93% pour l’assurance maladie, 89 % pour le RSI, 93% pour les MSA, 97% pour la CPRP-SNCF (le record de France), 90% pour la Camieg. Les délais de traitement sont nettement raccourcis pour les dossiers pas ou peu complexes. 3,1 jours pour la liquidation des FSE à la Cnamts, 0,6 jour à la MSA (record de France !), 1,34 jour au RSI (qui le sait ?). Entre le moment du soin et la date de remboursement réelle du patient, il faut compter 6 jours au plus. A contrario, les délais de traitement « papier » sont plus longs avec 15,6 jours pour le régime général, mais seulement 3,6 jours pour le RSI. Pour la Cnaf, 89,4% des délais de traitement des prestations s’opère en moins de 15 jours. 98% des dates d’échéances sont tenues en MSA famille. Pour la retraite, les progrès de performance sont là. En moyenne, les caisses (Carsat, RSI, MSA, Cnieg, CNRACL, etc.) tiennent les indicateurs « cibles » à 98%. Côté recouvrement, l’analyse de la performance se mesure par le taux de restes à recouvrer. 62% pour l’objectif de moins de 100 jours, plus de 90% sur 300 jours ; des temps forcément différents compte tenu de la nature particulière de la mission.

Côté sécurisation des opérations, on note la montée en puissance des normes comptables et des dispositions anti-fraudes. Plus d’un milliard d’euros récupérés en 2015 (483 millions en 2011) et les dispositifs montent toujours en puissance.

Des coûts de gestion en baisse continue

10,8 milliards d’euros de coûts de gestion en 2015 pour les grands régimes (R.G., RSI et MSA), soit un ratio de 2,1% rapporté aux dépenses totales. Qui fait mieux ? Tous les budgets des fonds nationaux de gestion administrative (FNGA) sont sous-exécutés d’une année sur l’autre, 200 millions d’une année sur l’autre, à de rares exceptions près, « gagnés » par an en moyenne. 3,27% de ratio pour l’assurance maladie (0,5% de gain en 4 ans), 2,17% pour la Cnaf, 0,94 pour la Cnav, 0,26% pour l’Acoss.

Il convient de prendre en compte la complexité toujours croissante des prestations sociales, décidées par l’État lors des réformes. C’est le cas dans la branche famille où les Caf « souffrent » parfois, à la Cnav et dans les Carsat, secouées par les réformes récurrentes de la retraite. Cela n’empêche pas la productivité de croître. Les indicateurs pondérés, mesurant la charge de travail (comptes gérés rapportés aux personnels mobilisés) s’améliorent.

Concernant l’évolution des effectifs, la surprise est grande : 166643 ETP dans le régime général en 2004, 147900 en 2015. 19918 pour la MSA en 2004 mais 16286 en 2015.

24 000 emplois supprimés !

Sur 11 ans, la sécu française a supprimé 23231 emplois ETP, soit 12% de l’effectif total pour les seuls grands régimes. Plus de 24000 en incluant les régimes spéciaux. Et les projections sur la base des Cog actuelles (période 2015-2017) accroissent le mouvement de suppression avec 4490 ETP dans l’assurance maladie, 1000 à la Cnaf, 740 à l’Acoss. Il s’agit encore d’économiser 1,5 milliard d’euros de frais de personnel… Un volume de suppressions de postes supérieur à ceux des fonctions publiques !

Côté organisation, les réseaux se sont profondément restructurés. Et la diminution du nombre d’organismes se poursuit (MSA, RSI) avec pour le régime général, l’application du principe d’une caisse par département, excepté dans la branche recouvrement où l’Acoss a instauré 22 unions régionales. Le RSI tant décrié à tort, passera lui à 13 caisses régionales d’ici 2 ans.

622 organismes en 2006, 381 en 2015. On constate l’impact des Cog et le rôle important des caisses nationales dans la recherche de l’efficience territoriale.

La démarche de mutualisation des missions et des fonctions support, bien que jugée insuffisante par la Cour des comptes, monte en puissance. 90% des agents des Urssaf, 28% dans la branche famille, 23% dans la maladie ont été concernés par ce chantier tout comme par celui des nouveaux réseaux. Qui dit mutualisation évoque les politiques d’achats, d’accueil, de documentation, de gestion des appareillages médicaux lourds, de gestion des paies, de la formation, des recours contre tiers, etc.

Ce mouvement se concrétise aussi par les projets de confier des missions nationales, voire régionales à des caisses « pivot ». La démarche « Tram » pour l’assurance maladie est lancée. Les Urssaf prennent leur part avec le centre national Paje emploi piloté par l’Urssaf d’Auvergne. Les soins à l’étranger sont gérés depuis la Cpam de Vannes. Cette évolution ne se déroule pas sans difficultés, heurts parfois et surtout inquiétude des personnels. Comme on le voit avec le mouvement de grève du 22 novembre dernier dans les Caf.

Une GRH à confirmer

La gestion des ressources humaines se veut au diapason de cette profonde réorganisation. 43% des agents de la sécu sont âgés de plus de 50 ans. D’où le travail portant sur la formation, la gestion des carrières, celle des agents de direction (une négociation est projetée en 2017), l’attention aux risques psychosociaux, la question des rémunérations, l’évolution des métiers. L’expertise technique de l’Ucanss est donc mobilisée. Reste à concevoir une approche globale visant à adapter les conventions collectives.

On ne saurait être complet sur ce survol sans évoquer la mobilisation des acteurs sur le développement durable.

La métamorphose de la gestion de la sécurité sociale ? Un verre « à moitié vide » peut-être pour les Igas et les magistrats de la Cour des comptes, voire les parlementaires des missions d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). Mais un verre « à moitié plein » pour les gestionnaires, les agents et les observateurs qui insèrent leurs constats dans la trame de l’histoire.


Crédit Photo: Philippe Chagnon / Cocktail Santé
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