dans POLITIQUE DE SANTÉ

Élu haut la main dimanche dernier au second tour des primaires de la droite, François Fillon entre en campagne, cette fois-ci, pour l’élection présidentielle proprement dite. L’occasion de rappeler et de préciser son projet pour les champs de la sécurité sociale, de la santé, des retraites, de l’État. Un sacré choc en perspective…

Le ressort essentiel du projet présidentiel porté par François Fillon est un choc de compétitivité libéral par un recul massif de la part du secteur public et sociale dans l’économie. Au moins 100 à 110 milliards d’euros d’économies nouvelles  à atteindre d’ici 2022 dont 30 sur l’État, 20 sur les collectivités locales et 40-50 encore sur les dépenses sociales dont 20 sur l’assurance maladie soit un doublement du volume actuel des économies. 20 encore sur les retraites. Et 10 Mds sur l’assurance chômage. Des chiffres jugés spectaculaires néanmoins…

Santé, assurance maladie, que veut Fillon ?

Pour une fois que les candidats à la présidentielle évoquent les questions de santé, l’opinion « a été servie »…Car François Fillon, hormis les poncifs sur la médecine libérale, pilier de la santé des Français, a clairement assumé son souhait de modifier les règles actuelles du remboursement des soins.

Ce que veut le candidat des Républicains et du centre :

  • Le retour au plus vite à l’équilibre comptable de la Cnamts et du régime général (la LFSS sera équilibrée par principe).
  • Le recentrage de la prise en charge de l’assurance maladie sur les soins lourds, les ALD et les pathologies chroniques.
  • Une implication accrue « au 1e euro ? » des assureurs complémentaires pour les soins courants, voire pour les postes de dépenses où la part de l’assurance maladie est faible comme l’optique, les prothèses dentaires et les audioprothèses.

Clairement, le projet est loin d’être finalisé. D’ailleurs les points de vue de l’entourage du candidat diffèrent. Cette réforme suggère deux voies d’action :

Scénario 1, un système de franchise, soit se substituant ou s’ajoutant (bonjour la complexité) à l’actuel ticket modérateur sur les soins. Cette franchise peut être universelle et forfaitaire, proportionnelle selon le revenu (cf le projet en 2007 de bouclier sanitaire de Martin Hirsch). Il s’agit de dégager 3 à 4 Mds € de marge de manœuvre pour l’assurance maladie.

Scénario 2, l’Etat détermine un panier de soins « de confort » (propos de Fillon) auquel s’ajoute les actes et prescriptions minoritaires de la Cnamts et décide de les mettre à charge des ocam. Ce scénario tient plus la corde que le précédent car moins compliqué. Ce scénario ressemble au mécanisme en vigueur dans l’assurance maladie des Pays-Bas.

Au sommet de cette construction, Etat et acteurs financiers se retrouvent dans une instance de régulation fixant les règles des contrats « responsables » mais cette fois au 1er euro » pour ce champ nouveau pesant quelques 10 Mds € de plus que l’actuel périmètre des ocam (35 Mds € dont 28 pour les seules prestations).

Toute fusée dispose forcément d’un deuxième étage…

Celui de François Fillon va donc au delà d’une approche financière de première intention. Le candidat a compris qu’il convenait de desserrer l’étau d’un ondam très fermé et permettre une profonde mutation et organisationnelle du système de santé. Qu’il s’agisse du numérique, de la capacité de financement de l’innovation, de la modernisation-réorganisation des hôpitaux, de la rémunération des acteurs de santé, les marges de la Cnamts sont faibles. D’où le projet de déplacer les curseurs économique et méthodologiques de la prise en charge des soins.

Les autres orientations

Outre l’abrogation du tiers-payant généralisé, le candidat veut améliorer l’offre de soins sur le territoire. Cela passe par les parcours de soins coordonnés, la création de maisons médicales et de petites structures d’urgence de proximité, le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD), une juste rémunération des médecins traitants (généralistes en particulier) et le renforcement des incitations à l’installation dans les zones de pénuries médicales. Du classique.

François Fillon veut mieux organiser le système de santé. Cela passe par la suppression des 35 heures à l’hôpital (7 milliards d’euros d’économies escomptés), la recomposition résolue de la carte sanitaire (ambiance dans les territoires ruraux…), l’éradication maximum de la bureaucratie ministérielle, la création d’une agence nationale de santé regroupant la DGOS, la Cnamts et le collège des ARS, la simplification des tâches administratives des médecins pour augmenter le temps médical, l’association des élus, des patients et des professionnels aux décisions des agences régionales de santé (ARS) trop éloignées du monde réel. La suppression de l’AME (Aide médicale d’Etat) est aussi prévue sans que soit précisé la solution alternative.

Enfin, l’élu parisien veut faire de la santé un vecteur de développement économique, la santé « doit être un fleuron » par la création d’un label « Hôpital France », la valorisation de la recherche à l’université et dans les instituts de recherche, l’émergence de start up santé grâce à l’appui accru de la BPI.

Pérenniser le financement du système de soins est son troisième objectif. Outre la réforme de l’assurance maladie précitée, le candidat veut faire basculer progressivement les cotisations patronales de l’assurance maladie vers un mixte CSG/TVA.

Concernant la famille et les politiques de solidarité François Fillon annonce une refondation de la politique familiale  avec 10 milliards d’euros de dépenses nouvelles et de solidarités comme pour la dépendance, le handicap et la pauvreté. La sanctuarisation des moyens, le rétablissement de l’universalité des allocations et le relèvement du plafond du quotient familial à 3000 € sont projetés.

Le contrat de responsabilité parentale supprimé (suspension des AF selon les comportements des enfants) en 2013 sera rétabli.

Le cadre de définition de la famille sera précisé. Pas de droit à GPA ni de PMA sinon pour les couples hétérosexuels en situation d’infertilité. La loi Taubira sur le mariage pour tous sera réexaminée pour son volet filiation. La circulaire Taubira sur la transcription en droit civil des enfants conçus à l’étranger sera abrogée.

Le congé parental d’éducation sera inséré dans le compte personnel d’activité.

Le dossier de la dépendance n’est pas oublié. L’ancien Premier ministre plaide pour la généralisation d’une couverture assurancielle sur base volontaire (on généralise le volontariat…). L’harmonisation des critères d’attribution de l’APA, la prévention, le service civique dédié aux personnes âgées, une campagne nationale sur la recherche Alzheimer complètent les annonces.

Côté handicap, François Fillon veut instaurer un droit à la formation pour les parents découvrant un handicap. L’accueil en milieu ordinaire, la formation des auxiliaires de vie, le fonctionnement des MDPH, le respect de l’objectif d’accessibilité énoncé par la loi de 2005, notamment dans l’espace public, figurent dans le projet.

Enfin, la grande pauvreté n’est pas oubliée. Le candidat promet une loi pluri-annuelle avec la mise en place d’une allocation unique et un référent unique chargé de coordonner les intervenants sociaux.

Retraite

Comme ses concurrents de la primaire, François Fillon veut reculer l’âge légal de départ à droits pleins à 65 ans. Sans fixer de date toutefois. La convergence des régimes publics (y compris les régimes spéciaux qui ont vocation à disparaître) avec ceux du privé est prévue.

À la fin de ce survol, on retient un vrai programme de rupture économique et sociale et de restauration sociétale. La démarche est classique : la relance de la croissance économique bâtie sur un reflux massif de la sphère publique et sociale. Ce projet est-il crédible ?


Crédit Photo: Jeanne Frank / Cocktail Santé
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