dans SÉCURITÉ SOCIALE

La Cour des comptes a publié fin mai son traditionnel rapport consacré à l’application des LFSS. Les magistrats s’alarment de la trajectoire «hors de contrôle» des comptes de la Sécurité sociale. Ils identifient plusieurs réformes nécessaires pour les redresser et appellent à renforcer la qualité de service et l’efficacité.

Les Sages de la rue Cambon sonnent l’alerte sur les comptes de la Sécurité sociale. «Le point de bascule de la hausse de l’endettement est atteint dès 2025 et la prévision de déficit 2027 est supérieure d’un tiers à ce qu’elle était en 2024», constatent-ils dans ce rapport, plus pessimiste que les précédents. Les chiffres sont connus. L’année dernière, le «trou de la Sécurité sociale» s’est creusé à 15,3 Mds €, dépassant de 4,8 Mds € la projection initiale. En 2025, le solde devrait encore plonger pour atteindre -22,1 Md€, mais cette prévision demeure «fragile», en raison d’hypothèses optimistes de croissance. Elle suppose en outre la réalisation d’économies inédites pour l’Assurance-Maladie (5,2 Mds €) et «une bonne tenue des dépenses de soins de ville, responsables du dérapage en 2024».

Pointant des «dérives continues dans l’exécution de l’Ondam», la juridiction financière appelle à resserrer la maîtrise des dépenses pour chaque sous-objectif. Elle recommande, en vue du PLFSS 2026, de «préparer un programme pluriannuel de mesures de maîtrise sur la progression des dépenses de l’Ondam ». Parmi les leviers identifiés : la prévention, la réorganisation de l’offre de soins des établissements de santé et médico-sociaux ainsi qu’un partage des efforts entre les acteurs.

Face à cette trajectoire alarmante, la dette sociale à court terme va augmenter rapidement. «Au-delà de 70 Mds € d’endettement annuel moyen, ce qui sera le cas dès 2027, le risque de ne pas pouvoir assurer le financement de la Sécurité sociale devient sérieux», avertissent les magistrats. L’Acoss se heurterait ainsi à la taille insuffisante du marché des capitaux à court terme, «qui pourrait ne pas être en mesure d’absorber un volume d’emprunt aussi important».

Pour «contribuer à l’équilibre financier de la Sécurité sociale», la Cour appelle à agir sur les allégements généraux de cotisations sociales. Sur la dernière décennie, leur montant s’est envolé, atteignant 77,3 Mds €. La refonte de la réduction générale en 2026, pourrait inclure un élargissement d’assiette à de nouveaux compléments de salaires et un abaissement du plafond d’éligibilité jusqu’à 2,5 Smic, avec à la clé une économie de 3 à 5 Mds €.

Parmi les autres pistes de réformes, sont notamment évoqués l’intérim paramédical (dont le coût a bondi à 472 Ms €) ainsi que le personnel non soignant à l’hôpital et les fonctions support, avec des «choix d’organisation à mieux piloter» pour plus d’efficience et une transformation «grâce au numérique». Autre gisement d’économies, le cumul emploi-retraite, dont le coût est jugé élevé avec une réglementation «plus accommodante» en France que dans les autres pays de l’OCDE. Alors qu’environ 710 000 retraités étaient concernés en 2020, «une remise en ordre permettrait à la Sécurité sociale d’économiser 500 Ms € par an».

Les risques spécifiques de fraudes pour les pensions versées à des retraités vivant à l’étranger, notamment la non-déclaration du décès, sont également relevés (même si des progrès sont soulignés). La Cour revient enfin sur les indus non détectés «encore trop nombreux», dont le montant est estimé à 8,6 Mds €. L’ensemble (soit 18,9 Md€ en ajoutant ceux détectés) représente près de 5 % des prestations. Le recouvrement de l’ensemble des participations et franchises de la branche Maladie pourrait rapporter entre 500 Ms et 1 Md €.

La juridiction de la rue Cambon consacre la dernière partie de son rapport à la qualité et l’efficacité des services de la Sécurité sociale. A propos de la création de la cinquième branche, elle évoque une «réforme majeure mais inaboutie». Compte tenu des enjeux colossaux liés au vieillissement, les leviers sont jugés «insuffisants» et les besoins après 2030 devraient être précisés pour en «déduire une trajectoire de financement».

Les magistrats se penchent également sur le service public des pensions alimentaires, dont la qualité de service rendu aux usagers est jugée «en deçà des attentes», malgré des progrès. La part des parents renonçant finalement à l’intermédiation financière après en avoir demandé le bénéfice est ainsi évaluée à 15%. Le «manque de pilotage du dispositif» ainsi que les données relatives aux séparations, pensions et impayés «toujours lacunaires» sont notamment soulignés.

Le dispositif des pensions d’invalidité est, quant à lui, épinglé pour son pilotage. La Cour souligne que «l’efficience du dispositif serait améliorée si l’invalidité était mieux suivie et si les médecins-conseils de l’Assurance Maladie (…) étaient mieux outillés pour apprécier la capacité de travail et de gain des assurés». Elle rappelle en outre l’«enjeu essentiel du retour à l’emploi».

Le rapport aborde également le modèle des pharmacies d’officine, soulignant des fragilités liées à la densité du maillage dans les zones rurales, aux paramètres de rémunération face à l’extension des missions des pharmaciens et enfin à l’indépendance de ces derniers face un risque de financiarisation. La cour recommande notamment de cibler directement les «pharmacies fragiles et essentielles», au lieu des «territoires fragiles» et de coordonner les différents dispositifs (exonérations fiscales et sociales, aides des collectivités locales).

Enfin, la réforme des artistes-auteurs, lancée en 2019, reste «inaboutie» et doit être «parachevée».

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/securite-sociale-2025

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