ESE fait le point avec Gérard Rivière et Renaud Villard, président et directeur de la Cnav, sur l’impact de la future Cog 2018-2022 sur l’évolution des activités de la Caisse.
Un nouveau conseil d’administration s’installe à la Cnav. Y a-t-il un renouvellement de ses membres ?
Gérard Rivière : l’installation du nouveau conseil d’administration de la caisse aura été le théâtre d’un profond renouvellement de ses membres. D’une part, nous avons atteint assez facilement l’objectif de parité de 60/40, mais surtout, pas moins de 50 % des administrateurs ont été renouvelés. Nous avons donc un conseil à la fois féminisé et rajeuni et c’est une excellente chose, car nous nous devons d’être le reflet de notre société. Je note également que cette dynamique semble avoir été la même dans le réseau pour les CA de nos 15 Carsat.
Vous avez rencontré Jean-Paul Delevoye. La Cnav serait-elle prête en cas de réforme systémique d’ampleur ?
Renaud Villard : pour l’instant, il a surtout été question d’une démarche de consultation et d’échanges, même si, derrière, il est question d’un projet structurant. De notre côté, nous saurons être prêts si besoin. Il ne faut pas oublier que nous avons déjà mené des travaux dans ce sens lors de la réforme de 2010. On ne partirait donc pas d’une page blanche. Après, il y a une double dimension à prendre en compte, à savoir les aspects juridico-financiers, mais aussi l’impact technique d’une réforme où l’on devrait traduire et transférer les semestres cotisés en points.
Quand pensez-vous que la nouvelle COG 2018-2022 sera arrêtée ?
R. V. : nous sommes optimistes quant à son prochain bouclage. On peut tabler sur la fin du premier trimestre. Il faut que nous allions assez vite, car sans cette convention il y a un blocage budgétaire.
G. R. : nous avons informé nos interlocuteurs que nous pouvons convoquer un CA rapidement pour que la Caisse ne soit pas bloquée au niveau budgétaire plus qu’il ne le faut. Mais attention, il faut qu’il y ait une adéquation entre les projets portés et les moyens alloués. C’est dans ce sens que le CA a pris une initiative en début d’année.
Il y aurait un contre-sens total à diminuer notre capacité de production humaine et à ne pas réévaluer notre enveloppe informatique
Pouvez-vous nous préciser la nature de l’initiative prise par le CA ?
G. R. : pour la première fois, le CA a adopté le 18 janvier dernier, à l’unanimité de ses membres, un texte portant sur les ambitions stratégiques que la Caisse veut porter dans les années à venir. Le conseil de la Cnam adopte une démarche similaire dans son champ. Sur le fond, les partenaires sociaux ont voulu envoyer un message fort à l’Etat : oui, nous sommes prêts à nous engager, à faire des efforts sur les moyens et à poursuivre nos efforts en termes d’efficience, de productivité et de qualité de service, mais il faut nous en donner les moyens. Il faut bien comprendre qu’il y a une réalité implacable, la population retraitée est en augmentation constante et les projections faites sur la fin du papy-boom parlent de 2035. Il sera difficile de maintenir une qualité de service dans la liquidation des droits si nos moyens sont insuffisants.
Quelles sont les grandes lignes de ce projet stratégique ?
R. V. : il s’articule autour de plusieurs axes qui ont structuré l’activité de notre branche, à savoir : développer notre offre de services, être en capacité d’accompagner l’assuré tout au long de sa vie professionnelle et améliorer la qualité de contact via nos différents canaux. Sur ce dernier point, je tiens à souligner les progrès faits par la qualité de service perçue de nos plateformes téléphoniques, qui obtiennent des résultats meilleurs que ceux obtenus par les contacts réalisés en direct. C’est une première que je tenais à souligner, mais qui ne remet pas en question l’activité de nos 250 agences. Le maintien de notre maillage territorial est également une priorité que nous comptons inscrire dans la future COG. Le succès rencontré par notre participation au dispositif des « maisons de service au public » démontre que cette attache au terrain ne doit pas être remise en question sous peine de s’éloigner d’une partie de nos assurés. L’idée est donc plus de développer des dispositifs complémentaires visant à enrichir notre réseau traditionnel. C’est dans cette optique que nous avons mené l’expérimentation d’une agence 100 % digitalisée à Saint-Quentin-en-Yvelines. Le but n’est pas de comparer l’activité d’une agence numérique avec une agence physique. Plus humblement, nous voulons apprendre de nos assurés sur leur appréhension d’une démarche entièrement digitalisée. Il y a une véritable culture de l’innovation qui irrigue la Caisse. L’exemple de l’agence digitale en est le parfait reflet. Nous développons des structures de transition pour pouvoir répondre aux attentes actuelles et futures de nos assurés. Le succès des démarches en ligne installées depuis le début de l’an dernier nous indique que nous allons dans la bonne direction. En parallèle, nous devons être prêts sur des sujets structurants lourds, tels que la demande unique en ligne « tous régimes de retraite », développée par la Cnav pour le compte de tous les régimes. Je suis certain que nous serons au rendez-vous sur l’ensemble de ces chantiers.
Comment le CA appréhende-t-il cette future convention ? Peut-il ne pas la voter ?
G. R. : le CA est à la fois réaliste et vigilant. Réaliste, car nous sommes parfaitement conscients que l’on n’échappera pas à une réduction des moyens. L’effort demandé devrait tourner autour d’une réduction totale de 7-8 % des effectifs de la Caisse à la fin de la future COG. En parallèle, nous allons être particulièrement vigilants sur les moyens qui nous seront alloués sur la partie développement informatique. Il y aurait un contresens total à diminuer notre capacité de production humaine et à ne pas réévaluer notre enveloppe informatique. Nous demandons donc aux pouvoirs publics de nous donner les moyens d’être en capacité d’amortir les réformes du régime de retraite de demain et de développer nos capacités d’action.
Y a-t-il un risque que le CA rejette la COG ? Ce n’est pas un scénario à exclure tant je ne sens pas, de la part de la DSS, une volonté de nous fournir les moyens de nos ambitions. Ne nous voilons pas la face, nous sommes dans une situation de tension dans le réseau. Les administrateurs le savent et je ne me vois pas soumettre au vote un texte qui ne serait pas validé par une majorité de partenaires sociaux. Le vote favorable d’une convention qui ne passerait que par l’appui de personnalités qualifiées ne me satisferait pas, car cela marquerait une défaite pour notre modèle de démocratie sociale. Si tel devait être le cas, je ne me sentirais pas pleinement légitime en signant, au nom du conseil d’administration, la COG.
Il y a une véritable culture de l’innovation qui irrigue la Caisse
Un dernier mot sur vos initiatives en matière d’action sociale ?
G. R. : nous sommes extrêmement actifs sur ce volet, car il est de notre mission d’accompagner les personnes isolées faisant face à des difficultés au quotidien. Nous avons par exemple expérimenté le déploiement de « paniers de services » pendant la fin de la précédente période conventionnelle. En collaboration avec des opérateurs de terrain, nous proposons ainsi un ensemble de services aux assurés les plus fragiles pour, par exemple, leur offrir une aide à domicile, organiser un déplacement ou proposer des ateliers collectifs de prévention. C’est une démarche personnalisée que nous modélisons à partir des besoins de la personne. En plus de ce nouveau dispositif, nous avons également financé l’adaptation du logement de près de 50 000 personnes âgées. Nous tablons sur plus de 80 000 nouveaux logements adaptés à la fin de la prochaine convention. C’est un véritable appui financier que nous apportons à ces publics en difficulté avec des aides forfaitaires pouvant aller jusqu’à 3 000 euros. D’autre part, nous militons pour la création d’un label « Habitat Senior » pour sécuriser nos assurés quand ils doivent rénover leur logement. Derrière ce label, il y aurait la garantie de professionnels qualifiés et de travaux d’adaptation conformes qui permettraient de maintenir plus longtemps les personnes dans leur domicile. Il s’agit d’une réponse concrète à la problématique de logement de nos personnes âgées.