Alors que les négociations se poursuivent, les dirigeants de la Cnaf espèrent une meilleure adaptation des politiques aux problématiques locales pour faire naître les innovations. Deux objectifs majeurs pour la COG 2018-2022 : aller vers le 100 % numérique, mais en conservant un accueil en face-à-face pour les plus en difficulté, maîtriser les dépenses, mais en établissant des priorités claires pour mieux orienter les moyens. Dialogue avec Isabelle Sancerni, présidente du conseil d’administration, et Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale.
Quelles sont vos priorités dans vos nouveaux postes respectifs ?
Isabelle Sancerni : une de mes priorités concerne le développement de l’accueil des enfants en situation de handicap. Nous devons œuvrer collectivement à une société plus inclusive. D’autre part, j’accorde une attention particulière au sujet du rééquilibrage territorial. En effet, nous entendons souvent parler des quartiers sensibles, de politique de la ville, mais trop peu des jeunes des territoires ruraux, alors même que se pose le sujet de leur mobilité. Par ailleurs, nous travaillons à une meilleure accessibilité de nos prestations et de nos services pour les familles. Cela implique de lutter contre le non-recours et d’accompagner certains publics. Sur l’accueil des jeunes enfants, il est indispensable de prévenir les fermetures de places en crèche afin d’endiguer le mouvement constaté ces cinq dernières années. L’offre d’accueil individuel des jeunes enfants doit être également soutenue. Pour ce faire, il faut faciliter le parcours de formation des assistantes maternelles et développer les relais pour les accueillir.
Vincent Mazauric : les trois valeurs qui animent mon action dans ce poste sont harmonie, qualité et efficacité. Harmonie, car la branche Famille n’est pas une simple addition de tiroirs, elle forme une politique familiale, qui est aussi une politique sociale. Avec la pluralité de leurs fonctions, les caisses sont des fédérateurs et des assembleurs autour de projets coproduits. La qualité des services est essentielle pour les délivrer à bonne date, avec exactitude et le moins de complexité possible. Alors que 15 à 20 % de nos allocataires n’ont que ce que nous leur versons pour vivre, le prix de l’à-peu-près est très élevé. La qualité des actions importe tout autant et ces temps difficiles, pour nous comme pour nos partenaires, impliquent de fixer clairement les priorités. La maîtrise des finances publiques ne doit pas se transformer en rétractation de l’ensemble des actions, sans discernement dans les économies à réaliser. Enfin, l’efficacité passe notamment par notre présence territoriale, gage d’adaptation aux besoins réels. Nous devons aussi faire appel au numérique pour simplifier les procédures et, à terme, les réaliser nous-mêmes à la place des usagers. Ces valeurs, sans oublier les contraintes financières, sont les priorités de ma feuille de route.
Et quelles sont les principales priorités de la COG 2018-2023, que vous négociez actuellement ?
V. M. : nous travaillons autour d’un nouveau modèle de production, avec beaucoup plus de numérique. Pas parce que c’est joli, mais parce qu’il nous permettra d’alléger nos tâches et d’aller chercher les données afin de réduire les risques d’erreur et le travail de correction, dont on aimerait bien se dispenser. Sur le volet social, la branche doit se mobiliser pour adapter ses services aux besoins mal identifiés et mal servis, autour des situations de handicap et des populations délaissées. Alors que les finances publiques nous demandent de la modération, nous pourrons donner du sens à la contrainte budgétaire avec de meilleurs moyens de discernement. Conçus en concertation avec nos partenaires locaux, ils nous permettront d’éviter le saupoudrage pour nous concentrer sur les besoins réels. Mais à quotidien et réglementation constants, je ne promets pas à mon réseau que tout s’éclairera par la magie des simplifications réglementaires. La branche ne pourra travailler avec moins de ressources humaines (NDLR : et d’ETP) qu’au prix d’un vrai changement d’outil informatique, c’est une nécessité.
I. S. : tout en adoptant la formule « 100 % dématérialisé, 100 % personnalisé », nous restons attentifs aux personnes les plus en difficulté face numérique. Les CAF les accompagnent afin de les rendre plus autonomes et, pour les plus éloignés de ces outils, nous continuons à les recevoir dans nos accueils. Il est essentiel d’automatiser les tâches qui peuvent l’être, et en même temps de conserver le contact humain. La force de la branche Famille est d’être présente dans tous les départements. Cela lui donne les moyens d’être innovante, apportant ainsi des réponses en parfaite adéquation avec les spécificités territoriales. A ce titre, les fonds locaux des CAF sont un levier puissant d’action pour soutenir les projets qui répondent aux besoins des familles, au plus près des bassins de vie.
V. M. : je ne considère pas ces fonds comme des dragées, ni comme de simples survivances du passé. Ils permettent de répondre avec finesse à des choses qui ne se voient bien que de près, mais avec des principes et des garde-fous.
Comment pourrait évoluer le fonds d’action sociale de la branche ?
V. M. : il est clair que, sur la période 2018-2022, la croissance du Fnas sera plus modérée qu’elle ne l’a été dans la période 2013-2017. Nous devons contenir nos risques de déficit et les objectifs un peu théoriques de croissance du Fnas ont rarement pu être atteints dans la période récente. Le Fnas est une enveloppe budgétaire, mais aussi une méthode de travail complexe, qui implique des projets collectifs avec différents partenaires. Face aux contraintes budgétaires, il est important de se montrer imaginatif et réactif. Pour donner plus de force à notre démarche contractuelle avec les collectivités, nous allons renforcer l’usage de conventions territoriales globales, notamment avec les intercommunalités.
I. S. : le Fnas doit aussi nous permettre de faire face aux missions attribuées par l’Etat. Entre la mission d’Olivier Noblecourt sur la pauvreté des enfants et celle de Jean-Louis Borloo sur les quartiers prioritaires (QPV), nous devrions nous voir confier de nouveaux objectifs de rééquilibrages territoriaux en matière d’animation de la vie sociale et d’accueil de la petite enfance. Sans compter le rapport Giampino sur le tiers temps des enfants. Cela implique que l’Etat nous accorde les moyens nécessaires à la poursuite de ces objectifs.
Et comment envisagez-vous l’avenir du réseau ?
V. M. : l’exercice territorial de notre activité est une évidence. Une caisse nationale doit se vivre au service du réseau en cadrant l’action, en fournissant les outils, en apportant des solutions et en faisant circuler les bonnes pratiques. Je suis fier de la qualité de nos directeurs-directrices et j’ai plaisir à travailler avec eux. Ils sont très responsables et prêts à évoluer pour concilier les caractéristiques institutionnelles et les héritages historiques avec les données d’aujourd’hui.
I. S. : l’échelle départementale est ce qui nous permet d’innover. Certains conseils départementaux mènent des expérimentations avec les CAF, des innovations qui seront évaluées avant d’envisager de les essaimer.
La branche, et notamment son CA, est-elle dans les clous sur la norme de parité ?
I. S. : au niveau national, sur les 66 membres du CA nous comptons 29 femmes, soit 43,8 %. Au niveau des CAF, nous dénombrons 162 femmes sur les 378 président(e)s et vice-président(e)s des CA, soit 43 % de femmes à ces postes de responsabilité. Peu d’institutions peuvent afficher de tels résultats.
V. M. : les générations montantes de l’encadrement issues de l’EN3S sont parfaitement paritaires. Sur les quatre nominations effectuées depuis ma prise de fonctions, on compte deux hommes et deux femmes.