Assurance maladie, complémentaires santé (via l’Unocam) et syndicats de chirurgiens dentistes représentatifs négocient, depuis le 22 septembre, un avenant à la convention dentaire. Le gouvernement veut passer en force en instaurant un règlement arbitral en cas d’échec.
« Je souhaite lancer, dans le cadre des négociations conventionnelles qui s’ouvrent, un plan ambitieux pour l’accessibilité des soins dentaires. L’enjeu est de réduire le coût qui reste à la charge des patients, en limitant le coût des prothèses et en revalorisant la rémunération de certains soins conservateurs », déclarait Marisol Touraine lors de la présentation du PLFSS 2017, en septembre dernier. Pour parer au risque d’impasse des négociations, un amendement gouvernemental au PLFSS 2017 (examiné au Sénat jusqu’au 22 novembre) instaure un règlement arbitral faute d’accord au 1er février prochain. Une nouvelle convention serait arrêtée, reconduisant celle de 2006 avec des modifications sur le plafonnement des dépassements tarifaires et des tarifs conventionnels. Au passage un changement de cadre juridique, puisque les négociations en cours portent sur un avenant ne pouvant donner lieu à un règlement arbitral.
Plusieurs interrogations, sur la valeur juridique de cette disposition. Un règlement arbitral de substitution à un avenant, conduit de fait à une forme de dénonciation de la convention dentaire, qui ne relève pourtant pas de la responsabilité gouvernementale mais bien de celle de l’Uncam ou des syndicats représentatifs (Cnsd, Union dentaire, Fsdl), auxquels le gouvernement ne peut se substituer. De plus, les complémentaires santé étant le premier « payeur » en dentaire (39% contre 36% pour l’assurance maladie obligatoire, selon la Cour des comptes), l’Unocam dispose d’une légitimité politique et juridique avec la possibilité d’utiliser un veto suspensif de six mois, retirée par cet amendement. Enfin, la possibilité pour le gouvernement d’imposer aux Ocam des contraintes n’entrant pas dans le champ des contrats responsables paraît dépourvue de base juridique. Les pistes d’une censure par le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la prochaine LFSS, ou d’une décision d’irrecevabilité du règlement en cas de recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État ne sont donc pas à exclure.
Négociation « fragilisée »
Sans surprise, cette mesure a été très mal reçue par une partie des négociateurs. D’autant qu’un consensus se dégageait dès les premières séances autour de l’objectif présenté par la ministre. Cet amendement « remet en cause, non seulement la convention nationale en vigueur, mais aussi toute la politique conventionnelle » déplore l’Unocam dans un communiqué pointant une négociation « fragilisée ».
Sa position s’aligne sur celles des syndicats. « La menace du règlement arbitral n’est pas très élégante comme la transformation de la négociation d’un avenant en convention. Mais nous attendons d’avoir un certain nombre de précisions pour savoir si nous pouvons envisager d’aller au bout de cette négociation ou pas », déclarait ainsi Philippe Denoyelle, président de l’Union dentaire, à la veille de la reprise des négociations, le 17 novembre (après plusieurs réunions techniques au début du mois). Même son de cloche à la Cnsd, « Cet amendement est un habillage politique. Il change les règles du jeu, alors que les discussions étaient bien engagées. Nous devrons aboutir à un accord permettant une vraie évolution et une restructuration de l’activité dentaire pour le faire adopter par nos mandants et le signer », observait Catherine Mojaïsky, sa présidente.
Toutes les parties prenantes étaient néanmoins présentes pour connaître les propositions présentées par Nicolas Revel en particulier sur le chiffrage, point clef de la négociation (rien n’avait été annoncé au préalable en dehors des 200 Ms pour 2017 promis par la ministre).
Les syndicats espèrent encore convaincre les parlementaires de retirer l’amendement. Mais ces négociations permettent au gouvernement de se positionner en défenseur des intérêts de la population. Un marqueur politique fort, à quelques mois de l’élection présidentielle.