Le 6 novembre, MNH GROUP a changé de nom pour devenir NEHS (pour Nouvelle Entreprise humaine en santé). Alors que cette transformation marque la fin de la phase de construction du groupe, Sylvain Chapuis, directeur général, revient sur le modèle de développement inédit mis en place depuis cinq ans pour passer d’une mutuelle (MNH) à un conglomérat rassemblant plus d’une vingtaine de métiers.
Quel est votre modèle de développement et pourquoi avez-vous fait ce choix de diversification très poussée, en particulier dans des secteurs où les mutualistes ne sont pas attendus, comme les médias ou l’hygiène, par exemple ?
En 2012, nous avons dressé un certain nombre de constats assez simples sur la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH). Nous étions sur un mono-marché, un champ réduit de 800 000 fonctionnaires hospitaliers, et un mono-produit avec la complémentaire santé. La MNH était concurrencée sur son marché, car la fonction publique hospitalière est la seule pour laquelle il n’existe pas de dispositif de type labellisation ou référencement. Et, comme toutes les mutuelles de fonctionnaires, nous subissions une perte légère mais régulière liée aux contrats collectifs, à la concurrence, etc. Par ailleurs, plus de 99 % des hospitaliers étaient déjà couverts par une complémentaire santé. Nous nous sommes donc interrogés sur notre rôle et sur ce que nous pouvions apporter de plus. A la racine de notre vocation, nous sommes au service de nos adhérents, mais aussi de nos hospitaliers et de nos professionnels de santé. De ce constat est née la genèse de notre plan stratégique en partant de leurs besoins au sens large (banque, services, etc.), dans une approche horizontale et non plus limitée à la complémentaire santé et prévoyance.
Comment les différentes composantes du groupe s’articulent-elles ?
Dans notre réflexion stratégique, nous avons élargi notre cœur de cible en passant des hospitaliers aux professionnels de santé. Nous sommes entrés dans les différents métiers du groupe dans la logique de nous différencier et d’apporter une valeur ajoutée de relation, technique ou « croisée », au professionnel de santé, adhérent ou client. Chaque entrée dans un métier est donc planifiée, réfléchie, pilotée et organisée.
Peut-on dire que le groupe veut mettre en place une complétude de prestations au service d’un univers global, dans une logique conglomérale ?
Tout à fait, nous appelons cela « Stratégie 360 ». Le professionnel de santé est au centre et nous avons vocation à être un conglomérat absolu et parfait, rassemblant tous les services dont il a besoin. Notre seule ligne rouge concerne l’offre de soins, puisque notre client adhérent intervient lui-même sur ce champ. Nous nous intégrons dans une pure logique de complémentarité, ainsi nous n’avons pas de Livre III. Par exemple, dans le cadre du projet Purpan 2022, qui nous a été confié après un appel d’offres pour la rénovation du CHU de Toulouse, nous fournissons une multitude de services et de prestations (crèches, services informatiques, gestion de l’hygiène…), sans intervenir dans la production de soins. Notre accompagnement permet à l’hôpital de se recentrer sur cette mission. Cet exemple est parfaitement illustratif de notre stratégie et a vocation à être multiplié ; une dizaine d’initiatives similaires sont en cours.
Avez-vous d’autres projets de développement ?
De 2012 à 2018, notre chiffre d’affaires est passé de 600 millions d’euros à 1,3 milliard. De même, nos collaborateurs sont près de 6 000, contre 700-800 auparavant. Nous sommes déjà dans une complétude d’offres significatives. Nous avons donc atteint un palier ; pour les années à venir nous devrons finaliser nos organisations et les adapter. Demain, nous pourrons peut-être de nouveau nous développer. Nous faisons encore quelques acquisitions centrées sur le numérique en santé, il y beaucoup à faire dans ce domaine.
Quelle est la répartition de votre chiffre d’affaires ?
Historiquement, l’assurance constituait 100 % de notre chiffre d’affaires. A la fin de l’année 2018, elle en représentera un peu moins de 50 %. Le poids des autres activités a grandi, le chiffre d’affaires assurantiel a donc diminué en part relative. Cette situation n’est pas une fin en soi, mais notre objectif est de servir le plus globalement possible notre client ou adhérent et nous nous développons beaucoup plus sur le champ des services.
Envisagez-vous des rapprochements avec d’autres acteurs ?
Dans l’histoire récente de la mutuelle, nous avons tenté des rapprochements ; c’est un chemin semé d’embûches. Une très grande majorité des regroupements répondent à une pure logique de taille, mais nous sommes la preuve vivante que «Big is not beautiful », comparé à certains géants mutualistes. Pour nous, un nouveau projet de ce type devrait être lié à un intérêt stratégique, qui apporterait une complétude à notre stratégie.
Quelles sont vos projections des besoins, alors que les entreprises que vous accompagnez sont elles-mêmes confrontées à des projets stratégiques d’adaptation ?
Nous regroupons plus d’une vingtaine de métiers de l’assurance au digital, en passant par la banque, l’industrie et les médias. Nous sommes un conglomérat, reconnu comme tel par l’ACPR et au sens plus large du terme. Pour répondre le mieux possible à nos clients, nous nous sommes organisés en univers. Par exemple, celui dévolu aux services industriels rassemble la blanchisserie, le traitement de déchets à risque infectieux, les produits d’hygiène et la stérilisation. Tous ces métiers concourent à apporter une réponse globale au professionnel de santé. Cela suppose un rapprochement de nos entreprises et une approche fondée sur le besoin du client. Notre organisation médias s’intègre exactement dans la même logique. Nous avons acquis Izeos, tourné vers les infirmiers, les aides-soignants et les cadres de santé. Nous avons ensuite racheté le Groupe Profession Santé, incluant notamment Le Quotidien du médecin, puis Hospimedia, réseau CHU, et Eventime, dédié aux établissements. Notre univers médias est véritablement bâti pour répondre aux besoins de tous les professionnels de santé. Ces dernières années, la communauté des professionnels de santé se rapproche à travers la pratique, l’exercice réglementaire, etc., et nous avons donc essayé de construire un univers médias qui accompagne ce mouvement.
En digital, notre stratégie est du même ordre ; nous sommes présents dans le monde de l’imagerie, de la télémédecine, à l’hôpital, en médecine de ville, et en matière d’interopérabilité des systèmes d’information. Nous voulons être un acteur horizontal permettant d’assurer une fluidification du parcours numérique, et donc du parcours patient, via une imbrication.
Comment est organisé le pilotage du groupe ?
Le conseil d’administration réunit nos deux mutuelles : MNH Santé et MNH Prévoyance. Le groupe est donc bien défini par un conseil d’administration mutualiste. Avec Gérard Vuidepot (NDLR : président de NEHS), nous sommes convaincus que nous pouvons être un acteur de l’économie capitaliste, tout en étant mutualistes. Nous avons développé la notion de « profitabilité partagée ». Concrètement, l’argent que nous gagnons est soit redistribué à nos adhérents ou à nos professionnels de santé, soit réinvesti. Tout notre groupe est construit à partir des mutuelles. Ainsi notre holding d’investissement, qui a acquis la totalité du groupe, est détenue en totalité par la MNH.