Le report de la réforme des retraites semble acté. Pour autant, le gouvernement entrevoit la nécessité de réaliser rapidement des économies sur les dépenses des régimes. Mais lesquelles?
En réalité, le gouvernement dispose de peu de marges d’action. Car l’assurance vieillesse par répartition est le produit d’une gestion de risque de longue durée. Une sorte de paquebot géant, qui ne se manœuvre donc pas aisément, où les passagers détiennent des droits opposables envers la collectivité.
Différencier régimes de base et complémentaires
Le gouvernement ne peut, en droit, imposer des règles contraignantes aux modalités de pilotage des régimes complémentaires (ils sont de nature et de gestion contractuelle) sauf, au préalable, à dessaisir par la loi la compétence des gestionnaires. Le précédent de l’assurance chômage confirme ce point de droit. Sur les régimes de droit public (régimes de base, pensions civiles et militaires), l’Etat a la main. A contrario, il n’a aucune autorité juridique sur les régimes complémentaires, lesquels au demeurant, fixent leur propre régulation. Souvent en symétrie des décisions d’Etat. En clair, 40% des dépenses « échappent » pour le moment, en droit, aux choix du gouvernement.
Quid des revalorisations ?
Emmanuel Macron l’a annoncé le 25 avril dernier : progressivement, pour les régimes de base, on va revenir au système d’indexation des pensions sur les prix prévisionnels. Remettre en cause un tel engagement public (1% de revalorisation coûte, tous régimes confondus, entre 2,5 Mds €), énoncé lors de la sortie de crise des « gilets jaunes » serait lourd de conséquences…
Durcir la loi Touraine
L’Etat peut, par voie de décret, accélérer le calendrier de l’allongement de la durée de cotisation découlant de la réforme des retraites de 2014 dite loi Touraine. A compter de 2020 et sur 15 ans, il faudra ajouter un trimestre de cotisation tous les trois ans, pour bénéficier d’une pension à taux plein au delà de 62 ans. Cette voie, portée Agnès Buzyn, est jouable. Mais l’impact réel ne peut s’opérer qu’à long terme. Difficile politiquement pour le gouvernement d’accélérer la nouvelle règle d’allongement de la durée qui s’appliquera dès 2020 avec effet immédiat (un trimestre par an par exemple) sans risque juridique. Le Conseil constitutionnel avalisera t-il une réforme brutale des règles de droit ? D’autant que le basculement en régime universel en points dès 2025 réduit notoirement la pertinence temporelle et technique de cet allongement. Puisque la variable d’ajustement sera alors la valeur du point (un régime en cotisations définies) et non plus uniquement la durée d’assurance (un régime en prestations quasi définies) laquelle peut parfaitement s’éteindre.Vous avez dit 64 ans ?
C’est le nouveau « dada » des économistes, voire des politiques. « Il faut fixer l’âge pivot (d’équilibre du système à long terme) à 64 ans et durcir les droits des pensionnés touchant leur revenu de remplacement avant cet âge ». Cette norme est, en fait, un simple repère économique de gestion et non une norme praticable en droit pour les bénéficiaires.
Dire cela néglige aussi déjà deux faits précis : l’âge moyen de liquidation frôle désormais 63 ans (il sera de 64 ans dans 10 ans…); les droits Arrco-Agirc, pour une période de 2 ans encore (accord de 2015), ne sont garantis qu’à compter de 63 ans. Tout au plus, le gouvernement peut durcir la décote des partants ayant des pensions incomplètes à 62 ans. Mais là, ce seront les femmes actives qui seront pénalisées… Pour cause de carrières en « dents de scie ». Se pose encore de la faisabilité juridique d’une réforme socialement brutale.
Vous avez dit « économies » ? Pas évident. Réponse courant septembre prochain.