dans FAMILLE - ACTION SOCIALE - RETRAITES

Au titre de la transparence, le gouvernement avait promis de rendre public l’avis du Conseil d’Etat sur les deux projets de loi portant réforme des retraites. Bien lui en a pris ?

Car si les 63 pages de l’avis ne sont pas toutes, loin s’en faut, totalement critiques, les analyses de base de la haute juridiction posent un sérieux problème de constitutionnalité.
Sur la forme, le Conseil d’Etat regrette le délai de saisine (3 semaines) pour une réforme considérable. Avec à la clé des risques « d’insécurité juridique et conventionnelle ».
Plusieurs points méritent d’être soulignés :
  • Compte tenu de l’importance considérable de la réforme (la plus considérable depuis 1945), le Conseil d’Etat (CE) juge d’abord « lacunaires » les données économiques de projection d’impact de la réforme.
  • L’étude d’impact de la réforme (1000 pages) est jugée insuffisante pour éclairer le législateur dans ses choix. Notamment pour ses impacts sur les autres volets des politiques sociales (chômage, emploi, etc).
  • Le CE rejette les dispositions du projet prévoyant une loi de programmation budgétaire quant aux revalorisations des rémunérations des fonctionnaires en vue de garantir le niveau des pensions. Motif : pas d’injonction possible en droit constitutionnel. Ce rejet pose une délicate question pour la gestion du volet « fonction publique » de la réforme.
  • Le gouvernement a oublié de consulter pour avis pas moins d’une vingtaine d’instances…Pas rédhibitoire mais quand même.
  • 29 ordonnances portant sur 40 questions, prévues dans 24 articles d’un projet de 64 articles : le CE craint un risque sur la visibilité juridique de la réforme et des contentieux à foison. D’ordre général, le CE ne cache pas sa perplexité sur la confusion possible des règles de droit dans la gestion de la réforme, notamment sa phase de transition, pour des catégories de personnes relevant de logique juridique et judiciaire différente (droit administratif et droit privé).
  • La question de l’égalité de traitement en droit des actifs est aussi soulevée. Si le législateur peut différencier les situations, il convient de fonder en opportunité, en référence à l’intérêt général cette différenciation. Autrement dit, pas de dérogation au droit commun pour une simple question d’opportunité politique. Cas des personnels navigants pour les âges ? Ou des dérogations de périmètre de cotisations.
  • Important, le CE confirme le droit pour le législateur de procéder à l’intégration de tous les régimes de retraite, y compris les régimes complémentaires et, y compris encore, tous les éléments qui composent leur réalité patrimoniale (les fameuses réserves notamment). A charge pour les gestionnaires d’obtenir une indemnité en cas de préjudice (lequel au demeurant ?).
  • Le CE veut ôter au futur conseil d’administration de la CNRU (caisse nationale de retraite universelle) le droit de fixer les premières règles de gestion du système. Pas sûr que cela enchante tout le monde…
  • Point important encore, le CE demande au gouvernement, voire au législateur, de formaliser avec davantage de précision la protection des droits acquis pour tous les actifs avant le mouvement de bascule dans le nouveau système à points.
Reste à voir la suite que le gouvernement et le parlement donneront à cet avis. Sans oublier les attendus de la conférence de financement devant donner lieu à plusieurs amendements durant la procédure.

 Photo : Philippe Chagnon / Cocktail Santé
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