L’accès des femmes à des fonctions à responsabilité s’améliore doucement au sein des trois familles d’Ocam (IP, assurances, mutuelles), grâce à différentes initiatives.
Catherine Touvrey,
directrice générale d’Harmonie Mutuelle et directrice assurance et protection financière du Groupe VYV.
Je pense avoir eu la chance dans mon parcours professionnel – inscrit dès le début dans le monde de l’assurance mutualiste par conviction et aspiration pour un cadre où les valeurs de solidarité et de mixité étaient centrales – de ne pas avoir été confrontée à une quelconque forme de discrimination, positive ou négative. J’ai toujours pu mener en parallèle une vie de femme, de mère, de dirigeante et aujourd’hui de directrice générale d’Harmonie Mutuelle. Mais j’ai mis à profit mon parcours et mes responsabilités pour toujours favoriser l’égalité des chances, qui ne se fait effectivement pas toujours au bénéfice des femmes. Le monde mutualiste y est très attentif, même si des améliorations sont toujours possibles. Des initiatives fortes existent, au niveau de la FNMF, par exemple, avec le réseau MutElles. Il est essentiel de continuer à renforcer l’égalité femmes-hommes et d’accompagner les carrières féminines. Chez Harmonie, ces enjeux sont des axes prioritaires en tant qu’employeur et en tant que mutuelle auprès des entreprises clientes.
Isabelle Hébert,
directrice générale de la MGEN et directrice services innovants du Groupe VYV.
J’ai travaillé pendant dix ans chez deux assureurs américains, Cigna Corp. et Aetna Inc. Aux Etats-Unis, de nombreuses femmes occupent des positions à responsabilité dans l’assurance santé, beaucoup plus que dans les Comex (comités exécutifs) français, cette expérience m’a montré que tout était possible. Ma carrière s’est poursuivie à Dubaï, où j’ai forgé un peu plus ma vision du leadership au féminin. Je suis rentrée en France pour rejoindre Malakoff Médéric à la direction marketing et stratégie, puis la MGEN, en tant que DGA chargée des activités d’assurance. A la création du Groupe VYV, j’ai eu la chance d’être nommée par notre conseil d’administration à la direction générale de la MGEN. J’ai également été chargée de la direction des services innovants, à l’échelle du Groupe VYV. Nous sommes, avec Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle [voir ci-dessus], les dirigeantes des deux plus importantes mutuelles du leader de la protection sociale en France. Une situation unique, peut-être inimaginable il y a quelques années. Je ne crois ni aux quotas ni à la représentativité forcée, mais aux bonnes personnes, au bon endroit.
Véronique Cazals,
directrice santé de la FFA
Après Sciences Po et des études de droit, j’ai travaillé dans l’industrie à une époque où la question de la mixité n’était pas vraiment une préoccupation des recruteurs…
J’ai ensuite intégré le Medef : l’arrivée de Laurence Parisot en tant que “patronne des patrons” a constitué un vrai bouleversement pour un certain nombre d’entre eux ! En 2010, j’ai rejoint la FFSA pour travailler aux côtés de Bernard Spitz sur les questions de protection sociale. Depuis 2015, je suis chargée de la direction Santé de la FFA, et cette évolution s’est inscrite dans un mouvement de féminisation des postes de direction dans le secteur de l’assurance et à la fédération, impulsé par son président. Le secteur de l’assurance est historiquement très féminisé : les femmes représentent 60 % des effectifs et 49,5 % de l’effectif cadre – ce dernier taux est d’ailleurs en constante augmentation.
Les politiques volontaristes menées dans ce domaine par la branche et les sociétés d’assurances ont permis de réduire ces écarts d’année en année.
Sylvie Pinquier-Bahda,
directrice générale déléguée de l’Ocirp
J’ai rejoint le monde de la protection sociale en 2002, en intégrant l’Ocirp pour m’occuper au départ de la communication et de l’action sociale liée à nos garanties, rente de conjoint et rente éducation. Aujourd’hui, j’occupe le poste de directrice générale déléguée. Auparavant, j’avais travaillé pendant vingt ans dans le monde associatif au Centre national d’information des femmes et des familles. J’y ai acquis une expérience de terrain qui m’a permis de rentrer à l’Ocirp, dans le monde de la prévoyance complémentaire. Beaucoup de femmes interviennent dans le domaine de l’action sociale. Je suis ainsi passée d’un univers extrêmement féminin à un univers très masculin ! Même si les femmes sont désormais plus nombreuses à arriver à des postes à responsabilité, il reste encore à faire. Je fais d’ailleurs partie de l’association Parité assurance, qui a pour but de promouvoir la présence des femmes dans les fonctions de direction dans l’assurance, de permettre des échanges et encourage l’entraide entre membres.
La Mutualité française a lancé le 1er juin 2016 le réseau MutElles.
Rencontre avec Dominique Joseph, sa présidente, secrétaire générale de la fédération nationale.
Quel est votre parcours ?
Après avoir été recrutée à la Direction générale des impôts, j’ai passé le concours interne de contrôleur en 1982. Je me suis engagée auprès de la Mutuelle des agents des impôts (MAI), de laquelle j’ai été élue présidente du comité départemental de Seine-Saint-Denis en 1982. Le président d’alors, Jean-Pierre Davant, souhaitait rajeunir et féminiser le conseil d’administration. Etre une femme en région parisienne, participant à beaucoup de groupes de travail, a constitué un tremplin. J’ai été élue au conseil d’administration en 1991. Le nouveau président, Etienne Caniard, m’a proposé de prendre des responsabilités au bureau, ce que j’ai accepté. J’ai été mise à disposition de la MAI et j’y ai occupé le poste de vice-présidente, trésorière adjointe puis générale jusqu’en 2006. La MAI a fusionné avec six mutuelles des finances pour créer la MGEFI en 2007, j’y ai été trésorière adjointe puis vice-présidente jusqu’en 2016. J’ai aussi été élue au CA de la MFP et à la FNMF. Quand Etienne Caniard en a pris la présidence, je suis devenue élue permanente.
Pourquoi avoir créé MutElles ? Où en est la féminisation des instances ?
La loi nous impose d’ici à 2021 une « parité » à 40 % minima dans nos conseils d’administration, une belle opportunité. D’après notre Observatoire de la parité, le taux de féminisation est passé de 21 % à 23 % entre 2003 et 2013. A ce rythme, nous aurions atteint l’objectif de 40 % en cent quarante ans ! Dans d’autres milieux, nous avons constaté l’utilisation systématique du réseau. D’où la décision du président et du directeur général sortants (Etienne Caniard et Emmanuel Roux), et du président entrant, Thierry Beaudet, de porter la création de MutElles. Six mois après le lancement, le 1er juin 2016, nous avions progressé de 1 point à 24 %, puis 26 % fin 2017. En quatre ans, nous avons gagné 3 points, il faut accélérer le rythme, car nous devons gagner 4 points par an pour être au rendez-vous. Cette progression cache des disparités, avec des décisions fortes prises par certaines mutuelles. Macif Mutualité a renouvelé l’ensemble de son CA pour assurer la parité, et la MNT a dépassé les 40 %. Des mutuelles ont intégré la parité dans leur stratégie (Adréa, FMF, Harmonie mutuelle). Les résultats sont plus visibles dans la fonction publique (MGEN, MGEFI, Intériale, Unéo), avec toutefois une marge de progression. Les instances fédérales sont le reflet de la gouvernance des mutuelles. Notre CA a été renouvelé en juin dernier, en demandant aux groupements de présenter des femmes. Entre 2016 et 2017, une féminisation a été observée (de 30 % à 35 %), sans encore atteindre 40 %. Thierry Beaudet a aussi souhaité s’entourer de femmes au bureau (37,5 % contre 25 % auparavant) et aux postes à responsabilité.
Le fait d’être une femme est-il un plus dans le monde mutualiste ou un moins ?
Etre une femme en mutualité peut représenter un atout, notamment en termes de visibilité, et permet de porter différemment les discours. Mais cela peut aussi être un handicap, car nous sommes souvent isolées dans les instances. MutElles nous permet, notamment à travers nos conférences, ateliers ou petits déjeuners, de nous donner confiance, de partager nos expériences dans une forme de mentorat. Dans nos mutuelles de Livre II, seules 12 % de femmes sont présidentes. Elles s’orientent plus facilement vers celles de Livre III (18 %). Peut-être les hommes sont-ils moins intéressés par la gestion de nos structures et services sanitaires et sociaux, et les femmes par le Livre II ?
Quelles sont les autres actions de MutElles ? Des évolutions sont-elles prévues ?
MutElles a l’ambition de porter des sujets comme l’égalité professionnelle, avec un événement qui lui sera consacré d’ici à la fin de l’année. Nous avons contribué au rapport du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CESS) sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et la Mutualité s’implique aussi au sein du CESE. En 2018, nous avons décidé d’ouvrir l’adhésion aux hommes, l’accélération de la parité passant aussi par eux. La question s’était posée dès la création de MutElles.
Je suis volontairement restée silencieuse face à l’emballement #MeToo sur les réseaux sociaux, mais ce mouvement doit être salué en termes de libération de la parole. L’action du réseau portera notamment sur l’accompagnement vers le dépôt de plainte et son suivi.