La Cour des comptes vient de publier un rapport sévère sur la Mutualité Sociale Agricole (MSA). François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale MSA (CCMSA), répond aux critiques des magistrats et rappelle les spécificités du régime agricole.
Comment avez-vous accueilli le rapport de la Cour des comptes ?
L’enquête de la Cour a été conduite il y a un peu plus d’un an, au premier semestre 2019. Lors des nombreux échanges avec la mission nous avions senti une différence de conception dans l’approche de la protection sociale agricole.
Nous ne partageons pas du tout l’opinion selon laquelle le régime agricole est en déclin structurel. La souveraineté et l’autosuffisance alimentaire sont des données fondamentales de l’équilibre d’un pays, comme l’a démontré la crise sanitaire. Or, la MSA y participe pleinement en prenant soin des agriculteurs et des salariés agricoles. Deux autres enjeux sont fondamentaux : la transition écologique et l’aménagement du territoire, qui impliquent également une protection sociale de qualité pour les agriculteurs.
L’action territoriale de la MSA a aussi toute sa pertinence. Nous agissons dans l’intérêt des territoires en consolidant et en développant notre proximité géographique. Comme l’a montré la crise des Gilets jaunes, la demande d’implantation de services publics en territoire rural est forte.
Concernant notre modèle en lui-même : pourquoi considérer que la démocratie n’est pas une valeur d’actualité ? Nous sommes le seul régime de protection sociale encore basé sur les élections. Le système de désignation permettant aux adhérents de gérer le régime est en fait le système historique de la protection sociale française.
Enfin le guichet unique ne peut être considéré comme une approche en « déclin structurel », bien au contraire ce modèle est souhaité par tous aujourd’hui comme, par exemple, dans les Maisons France services.
Que répondre à la Cour sur les critiques concernant la gestion et la gouvernance ?
La Cour des comptes nous dit : « la performance doit être améliorée ». Cela est vrai, nous nous inscrivons d’ailleurs dans cette logique.
La mission a commencé à travailler un an après l’adoption par l’assemblée générale de la caisse centrale, du projet d’entreprise MSA 2025, portant notamment sur l’amélioration de la performance. La Cour a repris un certain nombre des leviers identifiés et en a ajouté d’autres. Cette logique n’est pas nouvelle, au début des années 2000 les responsables politiques ont ainsi divisé le nombre de caisses par plus de deux. Il y a cinq ans, les fusions de caisses ont été stoppées, pour concilier l’optimisation de la gestion et la présence territoriale. Des mutualisations ont alors été mises en œuvre notamment en matière de back-office. Nous avons également créé des plateformes d’appui pour limiter les écarts de qualité de service entre les caisses, pilotée par la caisse centrale et avec tout un travail de « reporting ».
Sur le plan de la performance comptable, la proximité a un coût et un prix, qui valent la peine d’être payés. Et il faut comparer ce qui est comparable, les coûts de gestion seront forcément moindres dans une structure dix fois plus grosse.
Notre modèle démocratique n’a pas été un obstacle mais au contraire une incitation au changement, en respectant les valeurs de la protection sociale. Nos 16 000 délégués sont des citoyens engagés et actifs qui font du lien social. Pendant la crise plus de 200 000 actions de solidarité ont été portées par nos délégués cantonaux et nos salariés dans le cadre de notre dispositif MSA Solidaire.
Ce rapport aura-t-il une influence sur les travaux préparatoires de votre prochaine COG ?
Nous avons eu des échanges de très haut niveau avec les magistrats de la Cour, j’en suis sorti avec des convictions renforcées concernant le modèle de la MSA. J’ai pris ce rapport comme un T. 0 puisqu’il correspondait quasiment à ma prise de fonction.
Dans le cadre de la prochaine négociation de la COG, nous avons partagé un certain nombre d’éléments avec la Cour sur la partie technique et les leviers de performance. Ce travail se poursuivra lors des négociations avec les autorités ministérielles. Il n’y a pas de volonté du gouvernement d’intégrer la MSA dans le régime général. D’ailleurs, la dernière version du projet de loi sur les retraites confirme notre rôle de guichet unique, en faisant de la MSA un opérateur délégué.
Par ailleurs, le fait d’avoir une pluralité d’opérateurs de qualité présente des avantages en termes de rendu de services et de coût. Il faut rappeler que la protection sociale relève des Droits de l’homme, le fait de ne pas être en situation de monopole est aussi une garantie.
Nous allons continuer nos efforts d’amélioration de la performance. Notre démarche vise à avoir de nouveaux gains pour investir dans la proximité. Notre Livre Blanc, remis au président de la République lors du Salon de l’Agriculture, repose sur quatre piliers. La proximité et la présence de services publics dans les territoires constituent le premier d’entre eux. Nous nous inscrivons pleinement dans cette dimension à travers la création de 200 Maisons France Service, portées et opérées par le régime agricole pour notre compte et celui de l’ensemble des régimes de protection sociale. Nous avons aussi formulé des propositions en matière de dépendance, la création d’un cinquième risque, montre toute leur pertinence. Nous avons également porté la revalorisation des petites retraites agricoles à 85% du SMIC, qui sera soumise au Parlement avec l’examen d’un projet de loi le 18 juin prochain. Enfin, dans le cadre du Ségur de la santé nous ferons connaitre nos propositions sur les hôpitaux de proximité et sur le rôle des CPTS dans les territoires. Tous ces éléments vont bien sûr être intégrés dans la négociation COG.