Rencontre avec Marianne Cornu-Pauchet, directrice du Fonds CMU-C, qui évoque les dernières évolutions de la TSA et revient en détail sur la fusion de la CMU-C et de l’ACS. Le point sur le calendrier de la réforme, son impact et ses enjeux.
Quelle a été l’évolution de l’assiette TSA en 2018 ?
L’assiette de la TSA a progressé de 1,1 % en 2018, le produit de la TSA de 1,5 %. Ce chiffre de 1,1 % s’inscrit dans le ralentissement observé depuis 2015, avec une dynamique restée au-dessous de 2 %, malgré un sursaut en 2017. La progression était en effet de 3,4 % en 2014, de 1,5 % en 2015, de 1,3 % en 2016 et de 2,3 % en 2017.
Comment expliquer cette forme de stagnation ? Constatez-vous finalement un effet ANI ?
Indépendamment des ajustements spécifiques à certains OC, l’évolution faible des prestations peut expliquer cette croissance peu élevée des primes assujetties à la TSA. Ainsi, parmi les huit assiettes constitutives, la principale, celle des garanties responsables, ne progresse que de 0,6 %. D’autres assiettes sont beaucoup plus dynamiques, notamment celles des garanties santé non responsables, en hausse de 9,8 %. Cette tendance pourrait correspondre à deux phénomènes : une augmentation du recours aux surcomplémentaires et la commercialisation de contrats présentant des garanties inférieures aux exigences des contrats responsables (contrats couvrant uniquement l’hospitalisation, etc.). Nous ne pouvons pas à ce stade distinguer les dynamiques à l’œuvre sur le segment de la couverture collective de celles qui opèrent sur le marché de l’individuel. A partir du dernier trimestre 2019, le formulaire TSA intégrera l’obligation de déclarer le nombre de personnes protégées, par nature de contrat (collectif, individuel, etc.). Nous pourrons alors mieux analyser l’évolution des différents segments du marché en isolant les effets volumes. La distinction entre complémentaire et surcomplémentaire sera également introduite, à partir de 2021.
Quelles sont vos projections pour 2019 ?
A priori, la progression devrait se situer entre 1,5 et 2 %, mais il faut rester prudent. L’assiette va progressivement perdre les contrats ACS. On peut penser que l’effet sera quasi nul en 2019, mais plus sensible à partir de 2020, avec un impact estimé à environ 80 millions d’euros en année pleine une fois la réforme de l’ACS montée en charge.
Où en est la fusion de la CMU-C et de l’ACS ?
Le chantier avance bien, le Fonds CMU-C travaille en étroite collaboration avec la DSS, les régimes d’Assurance-Maladie, la branche recouvrement et les organismes complémentaires. Aujourd’hui les textes d’application sont en cours de finalisation : ils ont été soumis au Conseil d’Etat et à la consultation des fédérations d’OC, en particulier l’arrêté établissant le niveau de prise en charge des frais de gestion et le niveau de participation des assurés. Les caisses nationales ont été également été saisies début mai. Les modalités de remboursement des OC et des régimes d’Assurance-Maladie par le Fonds CMU-C seront par ailleurs fixées par un décret simple. L’arrêté fixant le modèle de déclaration de participation des OC au nouveau dispositif a été publié, quant à lui début avril et le modèle est d’ores et déjà disponible sur le site du Fonds CMU-C.
Les deux tiers des OC répondants déclarent vouloir participer au nouveau dispositif
Quel sera le rôle du Fonds CMU-C dans le cadre du futur dispositif ?
En premier lieu, le fonds est chargé d’établir et de diffuser la liste des organismes qui participeront à la gestion de la CMU- C. Notre rôle consiste à réceptionner ces demandes pour les examiner et à s’assurer de leur conformité. La date limite, annoncée au 30 juin, pourrait être reportée, compte tenu des délais de publication des textes réglementaires. D’ores et déjà, avant tout arbitrage sur le niveau de prise en charge des frais de gestion,
23 % des organismes ont répondu au sondage sur les intentions de participation mené par le fonds. Parmi eux, plus des deux tiers veulent participer. Cette intention est beaucoup plus forte chez les organismes déjà gestionnaires de la CMU-C et de l’ACS, à 96 %. De même pour une majorité de ceux intervenant uniquement pour l’ACS. In fine, la liste des OC participants sera directement accessible via le portail Ameli, ce qui permettra aux assurés de sélectionner plus facilement un organisme gestionnaire.
En parallèle, le fonds contribue également activement à la déclinaison opérationnelle de la réforme : ajustement des formulaires déclaratifs TSA et CMU-C, préparation des modèles de demande de résiliation de l’ACS et d’attestation de reliquat de droit, formulaire d’adhésion pour les futurs bénéficiaires de la CMU-C avec participation financière, etc. Bien sûr, le fonds sera également chargé du financement de la réforme et du contrôle des déductions. Le remboursement sera opéré sur la base des dépenses réelles et non plus en fonction d’un forfait.
Enfin, le Fonds CMU-C est tenu par la loi d’élaborer un rapport sur le nombre et l’âge des bénéficiaires, l’évolution des montants des cotisations soumises à TSA et les prestations de complémentaire santé.
Dans ce cadre, le Fonds CMU-C suivra l’évolution du taux de recours au dispositif, la montée en charge de la réforme et l’analyse de ses effets sur les dépenses de santé. Pour avoir une vision immédiate, nous comptons nous appuyer sur un observatoire, construit avec une dizaine de CPAM.
Quels sont les prochains rendez-vous de cette réforme ?
La liste des organismes participant à la gestion de la CMU-C sera publiée courant octobre et le dispositif entrera en vigueur le 1er novembre prochain. La première déclaration TSA tenant compte du remboursement au réel des dépenses sera à remplir avant le 30 janvier 2020. D’ici là, un guide d’utilisation sera mis à disposition des organismes par la branche recouvrement. La période de transition pourra être complexe pour les opérateurs, qui pourront continuer à gérer des contrats ACS jusqu’au 1er novembre 2020 si certains bénéficiaires ne choisissent pas de basculer sur la nouvelle CMU-C.
Certains bénéficiaires seront certes redevables d’une participation financière, mais celle-ci a été plafonnée à 30 € au maximum par mois pour les plus âgés, pour tenir compte des freins financiers.
Quels leviers seront mobilisés pour éviter le non-recours ?
Cette problématique a été l’élément déclencheur de la réforme, même si le recours à l’ACS a progressé depuis la réforme de juillet 2015. Concernant les différents leviers, il faut avoir en tête l’ensemble des facteurs de non-recours. Il ne s’agit pas uniquement de la complexité administrative, même si pour l’ACS les formalités sont importantes.
La notification des droits peut constituer une déception pour des personnes souhaitant accéder à la CMU-C, mais finalement éligibles à l’ACS. Demain, tous les bénéficiaires auront accès à la couverture CMU-C, sans restes à charge sur leurs frais de santé. Certains bénéficiaires seront certes redevables d’une participation financière, mais celle-ci a été plafonnée à 30 € au maximum par mois pour les plus âgés, pour tenir compte des freins financiers. Le principal levier pour éviter le non-recours consiste à repérer les personnes éligibles aux aides et à les ramener vers le droit et le soin. Le dispositif Pfidass, mis en place avec les CPAM, vise précisément à identifier ces situations de renoncement aux soins en repérant les personnes lorsqu’elles se présentent au guichet et en s’appuyant sur le réseau des partenaires des CPAM. Par ailleurs, la détection des situations de non-recours et de renoncement aux soins doit pouvoir s’appuyer sur la richesse des données des organismes de Sécurité sociale.
Quelles sont les pistes principales identifiées par le rapport que vous avez rédigé avec Philippe Denormandie ?
Une des voies du rapport sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap et de précarité consistait justement à pointer l’interopérabilité possible entre les systèmes d’information et les données des organismes de protection sociale. Nous devons ainsi pouvoir identifier les individus en situation de renoncement aux soins ou en cours de rupture. Des expérimentations locales sont menées en ce sens. Par ailleurs, nous avons également préconisé d’élargir le dispositif Pfidass, encore trop limité aujourd’hui à une détection au guichet, pour tendre vers une universalité du dispositif accessible aux personnes handicapées, migrantes, SDF, etc. Enfin, les travaux sur les bases des ressources mensuelles engagés dans le cadre de la réforme des allocations logement ouvriront peut-être de nouvelles perspectives pour identifier les personnes éligibles à la CMU-C.
Propos recueillis par Emilie Guédé et Alexandre Beau